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9… où Josef réalise le voyage autour de sa chambre… voit venir des pèlerins… témoins de ses vies…
Après un infarctus « compassionnel », nul ne sait quand se terminerait la renaissance, surtout lorsque la césure affecte un prophète… d’autant que Barnaby avait un très gros déficit vital… jadis, il avait pompé les cellules traductrices de Josef… à présent, c’était au tour de ses cellules physiologiques…
Les écrans constataient que dès l’instant où Josef se régénérait… Barnaby Parker le colon US tel l’aigle cannibalisait les cellules du prophète…
Josef résistait, car le Don de soi de l’aruspice était sans limites… le soir, il s’effondrait… mais tel le Prométhée… la nuit… il se régénérait…
Alors, Barnaby stimulait les métabolismes de l’angélique… entropie vous dis-je !
À ce chevet apparurent ceux qui avaient quelque chose à dire… le manu-script ajouta bien de paperolles…
Frères d’armes… écoutez !
Nishizawa Gorō
Mon nom ne vous dira rien… je le traduis : « Marais ouest Cinquième »
Je ne suis qu’un humble fonctionnaire à la Chambre de Commerce de Yokosuka au Japon, ma ville est située sur la péninsule de Miura préfecture de Kanagawa au sud de Yokohama… géographiquement au centre sud du Japon.
Je suis mandaté pour narrer ma rencontre avec le GI Josef Schmitt…
Je vais tenter de me hisser à la hauteur de cette mission.
Yokosuka n’est pas une ville très ancienne, jusqu’en 1865, c’était un village qui muta douloureusement en arsenal. En 1945, le port devint un checkpoint US.
Mon frère aîné nous raconta, souvent, l’histoire de ce fatal jour… le 15 août 1945, à midi quinze…
Mon père était un commerçant aisé, il avait acheté un appareil de TSF, régulièrement il écoutait les nouvelles de la guerre.
Ce 15 août, il s’habilla en grande tenue de cérémonie, il imposa le même décorum à son épouse, il s’agenouilla devant le meuble de TSF, à sa gauche, il avait aligné mon frère ma sœur et ma mère. Je ne suis venu que bien plus tard… nous étions huit dans la fratrie.
Là, ils firent silence, ils attendirent respectueusement tel l’oracle que la voix de l’Empereur Hirohito s’évade de l’amplificateur…
Soudain, ils ouïrent…
« Que la nation entière se perpétue comme une seule famille, de génération en génération, toujours ferme dans sa foi en la pérennité de son sol divin, gardant toujours présents à l’esprit le lourd fardeau de ses responsabilités et la pensée du long chemin qu’il lui reste à parcourir. Utilisez vos forces pour les consacrer à construire l’avenir. Cultivez les chemins de la droiture ; nourrissez la noblesse d’esprit ; et travaillez avec résolution, de façon à pouvoir rehausser la gloire immanente de l’État impérial et vous maintenir à la pointe du progrès dans le monde. »
Alors… de la base de Atsugi jusqu’au New Grand Hôtel de Yokohama lieu de sa résidence, sur une longueur de deux heures à pied, le Général Douglas Mac Arthur fit placer tous les mètres sur chaque côté de la route une haie de soldats japonais l’arme au pied dos à la route… là, le nouveau consul US chemina sur cet espace…
Cette marque insigne n’était réservée il y a peu, qu’au seul Empereur… arrogant sacrilège US.
À la suite de l’appel du monarque, le 2 septembre, le Japon signa ses actes de capitulation en présence de ce Général Douglas Mac Arthur, commandant du sud-ouest Pacifique et commandant suprême des forces alliées, ainsi que des représentants des autres puissances alliées, sur le pont de l’U.S.S Missouri ancré dans la baie de Tokyo.
Mon frère me raconta qu’à la fin du discours… notre père versa toutes les larmes de son corps…
Pendant huit jours, il s’enferma dans sa loge de repos où il jeûna… ma mère ne dormit plus craignant un harakiri…
Puis un matin de la septième nuit, devenu inspiré, il quitta son futon, plia ses vêtements de l’antique culture, les rangea cérémonieusement dans un coffre en bois de hinoki un conifère sacré du Japon. Il apparut revêtu d’une veste-chemise de couleur bleu indigo d’un pantalon de la même couleur, chaussé de geta, coiffé de l’amigasa de paille tressée…
Il n’a jamais quitté ce costume anonyme, qui au fil des années devint de plus en plus transparent…
Pas une fois, il n’évoqua le discours de l’Empereur et le sens de sa décision vestimentaire, mais tous avaient compris.
Il ignora avec une muette indifférence la présence des occupants.
Il déclara :
« Je n’ai pas oublié qu’à l’Ère Ansei 安政 en 1854 ces étrangers envahirent pour la première fois notre mer à coups de canon. Cette présence est une souillure sur notre sol sacré et le restera à jamais ! »
Scrupuleusement poli, il respecta à la lettre sa règle énoncée.
Quelquefois des strangers-US entraient dans notre bazar pour acheter des objets quotidiens de notre culture, qu’ils ramenaient dans leur pays. Mon père s’inclinait, sans un mot, il faisait signe au commis le plus bas dans la hiérarchie de venir conduire la transaction, silencieux, il assistait… aussi froid qu’un samouraï.
L’événement, qu’il cite en référence, fut le jour où le commandant US Matthew C. Perry entra dans la baie de Édo avec huit « navires noirs » armés de puissants canons. Il obligea le shôgun de signer le traité à Kanagawa le 31 mars 1854…
Alors, les étrangers zygotes de ceux qui débarquèrent du Mayflower, se considérèrent ici, « être comme chez eux »… là, ils commencèrent leur colonisation.
Les relations du peuple furent glaciales…
Puis, la dynamique de l’Ère Meiji, qui commença en 1868 et se termina en 1912 va bouleverser… les relations.
Le Japon devint une puissance internationale dotée d’un armement moderne et d’une industrie conquérante. L’ordre ancien bascula et passa de la politique du sakoku ou « isolement volontaire » vers un dessein de conquête outremer. Ici, à Yokosuka, ce fut un Français, Léonce Verny qui, en 1872, construisit l’arsenal et le premier navire de guerre moderne du Japon. Plus tard un autre Français Louis-Émile Bertin rénova de fond en comble l’arsenal à partir de 1886… ce qui déplut fortement aux yankee…
Hélas, les deux déflagrations nucléaires d’Hiroshima et Nagasaki mirent fin à notre élan…
À présent, c’est le temps d’un autre style de sakoku… une sorte d’isolement, qui tente de maîtriser distanciation et pénétration des technologies…
Depuis 1945 les étrangers US occupent le port de Yokosuka…
Un matin…
Comme souvent, je vois venir les nouveaux arrivants aux attitudes impériales. Ils souhaitent récolter quelques menus documents sur l’histoire de notre sol où ils vont vivre quelques mois parfois plus…
Les échanges culturels existent, mais je n’ai pas la science pour les analyser…
Un jour, je vis venir un GI…
Il n’était pas en costume de son unité.
Traditionnellement tous les GI sortent en US-military-costume, ainsi muettement ils imposent leur style, leur vêtement de parade, le support fractal de leur pouvoir. Le personnage qui entrait était différent, pas seulement par sa taille ou son style occidental ses cheveux blonds, sa nonchalance, sa peau basanée… encore plus tannée que la nôtre… il ne portait pas non plus cette attitude arrogante qu’affichaient la plupart…
J’étais inquiet, il m’avait fallu apprendre l’américain, je n’étais pas très doué… surtout pour répondre à des questions qui étaient posées par des accents bien peu enseignés dans nos cours intensifs…
De loin, je suivis son approche…
Il était attentif à l’espace… une attitude inusité, car souvent le Boy GI qui vient ici ignore les systèmes formels de la culture japonaise, il estime que ce sont des vestiges autochtones antiques inutiles, des témoins anciens à jeter. L’Américain n’a pas d’histoire séculaire en référence, il entre, arrive immédiatement à vous, pose la question dans son idiome et repart, ignorant tout le reste…
Notre chambre de commerce exposait régulièrement des œuvres d’artistes japonais anciens ou modernes, aucun matelot ne s’y arrêtait… lui… il avançait… attentif… aux signes… il détaillait chaque œuvre…
Puis il vint vers moi…
Il se posa devant le guichet derrière lequel, modestement, j’œuvrai… il s’inclina…
Et, dans une langue japonaise académique, il me demanda si je connaissais la référence d’un livre qui retraçait le Shikoku… le célèbre pèlerinage qui relie 88 temples… sur l’île éponyme…
J’en fus tellement abasourdi que je ne parvins pas à articuler une réponse…
« Aurais-je commis un lapsus ? » demanda-t-il.
Je m’empressai… me rétrécissant humblement en excuses… confirmant que sa phrase était parfaite… et moi, très imparfait…
Notre dialogue dura longtemps… je pus vérifier que sa connaissance du japonais n’était pas superficielle, je lui communiquai plusieurs références…
Je le revis plusieurs fois… ce fut chaque fois un dialogue mémorable…
Nishizawa Gorō… s’inclina…
Josef gisait…
Je suis ému… je t’ai apporté un texte de Saint François Xavier… tu l’as tant cherché… ce sont les « Epistolæ San Francisci Xavieri alique ejus scripta… » d’époque authentique… Hélas, je n’ai trouvé que le second volume…
Barnaby qui venait tel un piranha de pomper du suc prophétique bourré d’énergie du prophète s’assit en tailleur sur son lit et entérina le prédicat de Nishizawa Gorō.
… merci « Marais ouest Cinquième »… la porte est derrière toi…
… au suivant!
GI anonyme… car secret-défense… expliqua…
Josef… oh my friend…
… who is this man?
C’est difficile à dire… c’est un guy tout simple, pire simplet même… tout d’un coup… il t’expose des trucs que t’arrives pas à understand… il met en relation des forces que t’aurais jamais imaginées qu’elles puissent entrer en communication…
Tu vas voir… incroyable… quand il est arrivé dans le quartier, le premier jour, il est sorti pour se balader avec une coiffe de plumes de Peaux-Rouges. C’est ma famille qu’il dit… moi, parfois je dois le cornaquer pour aller au chœur du système.
Il arrive avec ses plumes à la place du bob… je me dis, il est fou ce guy, il va se faire éjecter… il entre… il salut pas, il s’incline, pose ses plumes, il écoute la question… je te jure… face à lui… y’a tous les huiles… qui l’entendent comme à la messe… je t’assure… recueillis les boss… OK, moi je pige nothing…
En privé, comment il est Josef ?
Comment te dire… il est absent, il te voit pas… il s’adresse à des voix… que toi tu peux pas capter, il entre en connexion sur des tas de fréquences… dans toutes les langues qu’il répond…
Autrement… c’est un type bien… mais particulier… fou je dirais par certains côtés… vraiment totalement loufoque… mais pas fou dans d’autres… illuminé en somme… prophète même… Ouais…
Toujours impec de vêtements de propreté… et comme il fait la cuisine… un régal… parfois, c’est rempli de piments… immangeables… lui non !
Moi, je fais gaffe…
Je me distance d’avec lui… c’est un guy qu’est connecté avec trop de power… j’te jure… il a des dialogues avec un mec… Jérémie qui s’appelle… il aurait disparu avant Jésus… six cents ans before… un bail, quoi ça fait plus de vingt-six siècles… j’te jure… Je l’entends le mec… mais, I can not undertsand… je pige que couic… « on dirait de l’arabe qu’il jacte ! » que j’ai dit… « araméen » qu’il répond… « tu entends cette voix… eh bien, c’est moi à l’époque… où je vivais en Égypte… »
Ouais, moi, j’y suis été en Égypte… on a livré des mécaniques… avant de venir ici… eh bien j’te jure… là-bas c’est plein de cailloux… pas un arbre… que du sable… putain là-bas, impossible pour trouver une Bud fraîche mon vieux…
Qu’est-ce qu’il foutait là-bas le Josef ?
Tu lui poses la question… y dit qu’il méditait sur le rôle de YHWH… qui voit tout…
C’est qui çui-là ?
J’y comprends absolutely nothing !
Il est total dans son cloud le mec…
Josef… mec… putain, tu m’as fait tellement plané… tu restes avec nous… Yeh !
Tiens je t’ai rapporté des plumes d’aigles que t’avais oubliées au dernier McGood!
Barnaby prit les plumes…
… GI Nobody… Ce témoignage est capital… il permet de comprendre que l’US-Army est divisée en deux… les GI’s d’un côté les Boss de l’autre…
… au suivant… ah ! salut padre… Don Giacometti
Don Giacometti padre et prêtre catholique du régiment…
Josef… j’ai entendu ta voix… menu… émue… je suis venu…
Je me souviens…
Je suis sur le sol de Yokosuka depuis trois ans… mais toi… comment t’oublier ?
Ici, au Japon, la chrétienté n’est pas parvenue à s’installer, seul le quartier des Marines a permis son existence dans l’enceinte. C’est ainsi, je ne quitte pas beaucoup la caserne, c’est vaste, mais nous avons des boutiques qui vendent des produits de chez nous.
Au fond ici, on se sent comme en Oklahoma ou au Maryland…
Josef ?
Le premier jour que je débarque à la sacristie de la chapelle, il est venu me voir…
« Salve fili mi… » lui dis-je.
Il entre… il me salue :
« Ciao padre… di dove vieni dall’italia? »
« Mais je suis Américain! »
… de naissance ?
… yes, de naissance !
… pourquoi vous avez un nom italien ?
… c’est le nom de mon arrière-arrière-grand-père.
« Va bene ! Anch’io vengo da un’altra cultura… la tedesca! »
Puis, il commence à me poser des questions sur diverses énigmes de la Bible… il formule les questions en latin… puis en grec… en araméen… enfin en hébreu…
« Mon fils, lui dis-je, je crois que vous êtes bien plus instruit que moi dans le domaine linguistique des écritures… je ne suis qu’un humble prêtre, ma foi est mon seul viatique… j’avoue que je suis un peu désarçonné par votre présentation… je ne suis arrivé qu’hier, je suis à votre disposition si je peux par la suite répondre à vos attentes !
« Ciao Padre ! »
Il arrivait souvent… il me demandait des livres… des textes… anciens sur les écritures dont je n’avais jamais entendus parler…
Tiens, je t’ai apporté le fameux Hagakuré de Jocho Yamamoto en japonais du 17ème siècle que tu recherchais…
Un jour…
J’appris qu’il était lié à Jérémie le prophète…
Il connaissait le livre par cœur… enfin… les deux livres : la version grecque et la version hébraïque… sans oublier les variantes…
Je l’interroge… admiratif…
« À l’époque, dit-il, Dieu m’a choisi pour être prophète. Dieu m’a dit « à coup sûr, ils combattront contre toi, mais ils ne l’emporteront pas sur toi, car je suis avec toi dit Yahvé pour te délivrer !… c’est pourquoi je suis ici ! »
… Josef tu parles de Jérémie ?
… non, je parle de moi !
Je n’ai su quoi répondre.
Ma connaissance de cette parenté s’arrêta là… sauf que ce garçon est une véritable encyclopédie… sur les prophètes… autant que sur d’autres sujets !
Il m’a raconté les épreuves de Jérémie alors qu’il était en Égypte… d’où il n’est jamais revenu… Je ne sais quoi dire de plus sur cet homme…
Quant à sa foi… c’est un mystère !
Le padre se signa… un signe qui ne trompe pas… il signait son humilité… signature d’un non-savoir qu’il reconnaissait… une attitude qu’il fallait signaler…
Don Giacometti devant le gisant Josef fracassé muet… observait l’entropie en marche tel l’aigle qui lui bouffait le foie pour régénérer le colon… Sisyphe l’autre antique… en direct…
… OK padre… lorsqu’il se réveillera on lui fera part de votre visite…
… bénissons mes frères… ce passionné de compassion…
… Ciao ! souffla Barnaby impatient… la porte fut à peine close qu’il se jeta sur un paquet de Mikko glacés… jouisseur va!
Et c’est ainsi que murmurent les tortues blondes
Gentilés
Si le voulez bien
Lisez suite jour prochain
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… vous trouverez les opus édités…
L’Ange Boufaréu, alain harmas
s8feon