3ème chapitre : “l’ergastule, du latin ergastulum : caserne romaine pour esclaves…”

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Le command-car… le même qui avait lumineusement conduit Joseph dans les coulisses de l’événement… le ramenait menotté à présent, vers les geôles de l’US-Land qu’il allait découvrir pour la première fois… en quinze années de service…
De chaque côté de l’habitacle, des MP silencieux assis… se faisaient face.
Les deux GI lumineux venus le chercher étaient immergés dans le nombre :  ternes devenus… illustrant cette capacité qu’offre l’US-Army de pouvoir muter en autant de camouflages que la force l’exigerait… le même soldat pouvait donc être Marines, GI, MP, Assaillant, Planton, Sniper, Chair-à-canon, cadavre… il ne devait respecter qu’un seul principe : obéir… depuis le premier jour sous l’uniforme, il avait laissé son encéphale au vestiaire.
Josef était assis entre ces deux lignes de paires d’yeux qui n’exprimaient aucune animalité à son égard, car aucun ordre n’avait été donné. Et chacun sait que le regard exprime l’intention du commandement… là, les regards observaient le néant.
Le sous-off qui avait pris la tête du détachement paraissait forcément détaché, sans doute, la tâche du service n’exigeait aucun attachement.
L’engin mollement traversa, la place… en haut du mât frissonnait la Bannière Etoilée, elle coiffait les couleurs du régiment… au passage, le chauffeur, les deux mains sur le volant, effectua un salut en un impeccable coup de tête au drapeau… et ignora la volte pour aller droit au but…
Sans encombre aucune, on arriva devant le poste de police qui borne telle une verrue toutes les entrées d’une garnison… ici… là… ailleurs… en US-Land et même en Russie.
La porte arrière du car motorisé s’ouvrit sur commande mystérieuse…
« Détachement… giclez ! »… si… si… c’est ainsi que les GI quittent un véhicule.
La troupe gicla donc du command-car comme un seul homme.
« En colonnes par deux ! »
La mécanique était rodée… impeccable : devant le chef…
« Colonne à ma droite un pas de côté… marche ! »
L’ensemble exécuta la figure au doigt et à l’œil…
« Matricule 70707… ! »
Le lecteur aura compris que le nom, pourtant respectable, n’était plus respecté. Josef était redevenu un matricule, il reçut l’ordre de se placer entre les deux colonnes au niveau du troisième MP… ce que, nonchalamment il accomplit…
« Gaaaaaaaaaaaaaaaaaarde à vous ! »
« En avant… m’arche!”
Le groupe de G.I, devenu bloc monolithique, se projeta selon un pas cadencé sur une distance de sept mètres trente-trois centimètres et quelques millimètres qui permirent au détachement de se poser immobile au pied de la volée de marches de l’escalier… lorsque l’ordre retentit de faire halte.
Là, le boss ne sut que faire…
Fallait-il que ce détachement de dix personnes accompagnât le détenu jusqu’à la porte intérieure de l’ergastule ?
Ce fut un moment poignant qui fut interrompu par le taulier, il apparut sur le seuil…
« Ça va mec… amène ton cul ! »
Joseph dut s’extraire du peloton selon ce commandement cavalier d’un sergent des Marines, il suivit le boss du détachement… laissant la section de MP détachés… désœuvrés…
On pénétra dans un vestibule qui sentait l’urine, on fit face à une sorte de comptoir derrière lequel vaquait l’homme aux clés revenu après son injonction…
Dans sa première fonction, il était cerbère… dans sa seconde, il ruminait des Wrigley’s… il martelait furieusement ses zygomatiques musclés. Josef perspicace identifia le volume des enveloppes dans la corbeille pleine… l’antre était sinistre… le taulier aussi.
Il lut un document… en clair…
Il regarda l’arrivant… face à lui… haussa les épaules…
Puis se déplaça pour ouvrir une porte…
En file indienne, la troïka franchit la ligne de démarcation, celle qui supprime du vocabulaire toute intention de liberté. Acquisition qui est depuis que l’homme est homme la plus noble conquête de ce bipède, à part le cheval, lequel animal conquit le Wild-West comme chacun sait.
En cet instant le GI 70707 bien que restant bipède avait perdu cette noble liberté d’action… autant que son cheval… pour cause, il était dans les Marine’s… il suivit.
Guidé par le maton mastiquant, qui précédait Joseph subissant, puis le boss du détachement en serre-file… la colonne descendit dans les entrailles du cachot pour atteindre un large couloir qui distribuait des cellules sur les deux rives de la sinistre voie.
Parvenu au mitant, le maton s’arrêta devant un huis, ferrailla la clé dans la serrure, ouvrit l’espace d’un geste de la main du bout du bras empreint d’une étrange tristesse de compassion, de renoncement et sans doute de lassitude… son regard décrivit un arc de cercle, intimant à Josef :
«… de se démerder le cul pour entrer vite fait dans ce trou… parce que moi j’ai d’autres choses à cirer… c’est clair ! »
Ce fut tout… c’était déjà beaucoup.
La porte se referma sur le coupable… mais de quoi ?
La troïka, binôme devenue, se retira prestement… esseulant les taulards.
Alors, à l’autre bout… on entendit la voix d’un gospel-crooner… il psalmodia… sur un air de blues
« Hi Révérend rend rend aïe aïe aïe !»
Même dans les taules… les internés savaient qui était le Révérend, l’homme aux plumes d’Algonquin… mystérieux… encabané à présent…
Tranquille comme un sage…
Joseph sortit son manu-script, du sac à dos qui ne le quittait jamais, tel un bonze, il s’installa en position du Lotus, attendit que le flot des pensées vagabondes se déverse en cataractes. Il était coutumier de lâcher les déluges, que les sâdhus recommandent avant chaque méditation…
Il ouvrit son cahier messianique que le narrateur rassembla pour notre lecture.
Il entendit encore vaguement le crooner sirotant un rythm-and-blues…
« Ô Révérend… en… en… » mais la chaleur, le confinement, les boîtes de Bud, la fumée d’herbe qui envahissait le couloir eurent raison du perturbateur qui se tut.
Alors, Joseph tourna une page de son grand livre en cours d’élaboration… afin de poursuivre le chemin du grand lavage… il fallait laisser la raison reprendre combat sur la déraison…
Forcément, une page vierge devait se présenter à sa plume…
Follow me !
Il feuilleta, les dernières écritures, revint au tout début, et psalmodia le texte fondateur de sa révolution, celui qu’il avait calligraphié au pinceau et encre de Chine…
Vocation du prophète à lire à voix de mélopée…
« La parole du Seigneur s’adresse à moi… »
Aussitôt à l’autre bout du couloir… un philistin borné répliqua par une symphonie métallique de boîte de bière frappant les grilles du cachot, un second égrena un long chapelet de noms d’oiseaux, enfin un troisième reprit le vieux tub « Born in the USA » de Springsteen mis à toutes les sauces à la cadence rock… les fondations de l’ergastule en tremblaient… soudain, en haut, la porte du couloir s’ouvrit et le ruminant Wrigley’s hurla :
« Shut up Révérend ! »
« Homme de peu de foi murmura Josef qui poursuivit mezza voce… écoute l’oracle qui fonde ma nouvelle ère… elle débuta jadis par ces mots…
Avant de te façonner dans le sein de ta mère,
Je te connaissais, avant que tu ne sortes de son ventre
Je t’ai rencontré
Je fais de toi un prophète pour les nations ! »
Dès mon retour à la vie civile, nul ne pourra, désormais me détourner de ma mission de Prophète des nations, oui, comme moi Jérémie fut jeté rejeté méprisé…
Josef revint à la page vierge et écrivit.
« Peuple… comme l’a si justement dit un philosophe… attends-toi à l’éternel retour ! »
Sur ces mots… Joseph-Jérémie-Révérend s’endormit.

Honorable lecteur… probablement, vous ne fûtes jamais l’hôte d’un ergastule de l’US-Land au Japon… néanmoins, imaginez l’ambiance les fragrances les jacassements les stridulations et autres coassements… des occupants…

Or, Josef avait la capacité… de s’extraire de ce monde…
Il s’éveilla lorsque le plateau du rata vint… il ne vint pas tout seul… le messager livreur posa délicatement l’offre chaude gisant dans des cantines gigognes en alu… sage précaution pour conserver la température…
L’émissaire prit place sur le seul siège disponible : un seau hygiénique émaillé rose bonbon dont le couvercle par bonheur était plat…
Là…
Il s’adressa au GI… qui quittait les limbes de Morphée…
… Josef… dit-il d’une voix neutre… il est vrai que ce fut un piège, mais enfin… tu le savais, puisque tu sais tout… tu aurais dû pu su lu… qu’il te fallait enrober ton message… afin d’éviter la crispation de « Trois-Étoiles »… tu comprends ?
… mais… si tu es… disons… sage, nous te proposons une convocation devant le boss du régiment… Barnaby… soi-même… une invitation… si tu préfères… tu sais qu’il t’aime… tu pourras t’expliquer… ne le fréquentes-tu pas depuis tes trois ans six mois…
… deux semaines et quatre jours… rajouta Josef.
… un bail… qu’en penses-tu ? Tu pourras causer face à face… avec le cacique…
Josef, la bouche pleine ne pouvait répondre, d’autant que le messager parlait à voix très basse, selon un code secret… à cause des espions…
À la dernière bouchée, le GI Josef prit son temps… le légat ajouta :
… faut-il t’en prier Josef ?
… je le connais, il va me parler de ses opéras Nô… Parker se prend toujours pour le messie… alors qu’il n’a jamais mis un pied en Égypte…
… ce n’est pas très cohérent…
… je connais la cohérence de Barnaby…
… tu sais tant de choses !
… OK boy… mais il me faut me relooker…
L’envoyé retint le message… se retira… avec le plateau de rata vide…
Alors…
Le rocker-crooner du fond de la taule entonna le plus beau des hymnes… celui-là même qui n’avait pu résonner dans le gymnase… car oracle de Josef… le CD était sous influence… le voilà enfin ce chant… patriotique… a capella…
Nous ne résistons pas à vous offrir les paroles et leurs traductions…

Oh, say, can you see, by the dawn’s early light,
Oh, dites-moi, aviez-vous vus aux premières lueurs de l’aurore,
What so proudly we hail’d at the twilight’s last gleaming ?
Ce que si fièrement nous avons salué aux derniers rayons du crépuscule ?
Whose broad stripes and bright stars, thro’ the perilous fight,
Ces larges bandes et ces brillantes étoiles, au milieu de ce périlleux combat
O’er the ramparts we watch’d, were so gallantly streaming ?
Sur les remparts où nous guettions et nous nous lancions si courageusement ?
And the rockets’ red glare, the bombs bursting in air,
Et la lueur sanguine des fusées, les bombes explosant dans les airs,
Gave proof thro’ the night that our flag was still there.
Nous apportaient la preuve que malgré cette nuit, notre drapeau flottait toujours
O say, does that star-spangled banner yet wave
O dites-moi, cette bannière étoilée flotte-t-elle encore
O’er the land of the free and the home of the brave ?
Sur cette terre de liberté et sur la demeure du courage ?

Là-haut Wrigley’s ouvrit la porte multiplia les décibels…
… ta gueule rocker !
Le soliste nimbé d’un halo de feuilles de chanvre Indien, jeta une curieuse réplique…
… mon cul… et poursuivit ses vocalises…
Puis, les corps repus… se posèrent…
Pourquoi ?
Mais pourquoi Joseph était-il incarcéré… pourquoi prenait-on tant de précautions pour le sortir de cette taule ?
Seul Josef hocha la tête… il avait compris… il savait…
… lecteur, poursuivez et comme Josef vous saurez !

                                                    Et c’est ainsi que murmurent les tortues blondes

                                                                       Gentilés  
                                                                       Si le voulez bien
                                                                       Lisez suite jour prochain
… vous pouvez aussi charger le lien des éditions Alain Iametti sur votre moteur de recherche : https://www.editionsalainiametti.com/
vous trouverez les opus édités…
                                                              
L’Ange Boufaréu, alain harmas 

 

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