… j’ai répondu à Dame Céline Bernard en sa maison Viennoise… me questionnant sur Flaubert.

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Oyez Chère Céline…

Certains sont papistes… d’autres lampistes… passons les prototypistes… allons vers les trappistes… vers Gustave le Flaubert le moine des mots… qui pouvait rester dans son « gueuloir » 12 heures de rang pour sortir une page… qu’il détruisait le lendemain… oui, ici, je plante le décors : « je ne suis pas flaubertiste… mais flaubertien… ben tiens ! »
J’ai découvert l’artiste en 4ème… à cause/grâce à un fou… imaginez un professeur capable de vous faire aimer la littérature… et son porte-drapeau Gustave Flaubert.

Du haut de sa chaire il commençait :

« Flaubert disait : le talent se transfuse toujours par infusion »
Chez moi la transfusion infuse depuis la 4ème… soit 6 fois 10 années y compris les bissextiles… plus de 240 saisons… un bail… épicé de quelques semaines supplémentaires…
Depuis… je n’ai pas trahi ma passion… pour Emma.
Une découverte… un franchissement cosmique… le ravissement… en ce temps-là l’époque était encore à l’encre violette et la plume sergent major… je rimais… « Furieusement » aurait dit Gustave… je parvenais aussi à écrire des phrases ayant un sens…
Mon professeur devant la classe me cita un jour en disant « vous auriez pu faire mieux… ce n’est qu’en pressant les deux morceaux de l’orange jusqu’à ce qu’il ne reste plus que l’écorce, que vous pourriez faire mieux encore… hélas vous êtes un peu fainéant… »
Ce n’était pas faux… je suis du style lent style escargot ou tortue… je voulais être poète… pas prosateur… mais après avoir vécu l’expérience des voyageur-troubadours…
Je n’ai jamais oublié… cette sortie…
Je laboure toujours les lignes de mes textes…

J’ai lu Flaubert sept cent soixante-douze millions de fois… peut-être plus… j’ai lu les quatre livres de sa correspondance dans la collection La Pléiade… j’ai lu ses exégètes… ses biographes… j’ai entendu ses critiques…
L’apophtegme sublime de Flaubert quasi devenu ontologique dans mes synapses dit :

« Je décris ce que tout le monde voit… mais que personne ne remarque »

Ce point est KKKKKKolossal car il nous ramène à la Renaissance… lorsque les peintres italiens découvrirent comment exprimer la perspective… « la deux » dimensions représentée dans ses trois mesures sur une surface plane… autrement-dit cette étape va plus loin que la forme… elle modifie l’art de penser et permet d’accéder à une nouvelle dimension : l’espace… c’est ce que démontre cet apophtegme.
Flaubert a écrit 8 opus… tous au sommet…
Balzac… en a écrit 91… j’aime aussi… mais moins… que le Gus…
Ce que j’aime chez Gustave c’est d’abord sa truculence, celle de Rabelais et son impertinence, celle de Montaigne. Mais sa truculence est transcendée dans son écriture… elle est maîtrisée pour en tirer la quintessence de style. Il écrit à Ernest Chevalier le 13 décembre 1839 :

« Le Peut-être de Rabelais et le Que say-je de Montaigne, tous deux sont si vastes qu’on s’y perd »  

Au temps de Gustave, la censure des réseaux sociaux n’existaient pas, les associations trucquemuches éructant contre l’homme blanc hétérosexuel, ne
« Montaient pas aux créneaux » selon la métaphore mille fois lessivée des remplisseurs de feuilles de choux… pour l’écorcher… elles étaient dans les limbes.
Marx était presque du même âge que Gustave… Engels venait d’ajouter un « s » à son nom « Engel »… l’ironie lui joua un mauvais tour puisque Engel signifie « Ange »… et quel ange… bref ! Ils étaient tous les deux encore des béotiens du communisme.
Gustave avait le champ libre, il fustigeait le socialisme… déjà… le saint homme… Madame Bovary paraît en 1857… Le manifeste du Parti communiste est déjà édité depuis 1848…
Karl comme Gustave sont libérés… chacun dans sa sphère.
J’avoue que je préfère le second… bien qu’ayant lu le premier aussi… un futur scribe « doit » tout lire… y compris… bref !
C’est ainsi que j’aime cet homme qui s’exprime aussi crûment tel Montaigne

« Sur le plus beau trône du monde, on n’est jamais assis que sur son cul ! »

Flaubert réplique :
« Si jamais je prends une part active au monde, ce sera comme penseur et comme démoralisateur. Je ne ferai que dire la vérité, mais elle sera horrible, cruelle et nue »
« J’aime par-dessus tout la phrase nerveuse, substantielle, claire, au muscle saillant, à la peau bistrée : j’aime les phrases mâles et les phrases femelles, comme celles de Lamartine »
« Je crois que le dogme d’une vie a été inventé par la peur de la mort ou l’envie de lui rattraper quelques chose »
« Etre bête, égoïste, et avoir une bonne santé, voilà les trois conditions voulues pour être heureux »  

Donc, Flaubert dans sa correspondance ne se censure pas… c’est tout le contraire dans ses opus, l’auteur doit dépasser sa réalité sa truculence ses exsudations…
Cet état lui sert de sa réalité pour en tirer les illustrations que la société nous offre à décrire. En transcendant son état premier qu’il touche du doigt… c’est à dire la matière humaine, il va pouvoir maîtriser la description.
Je ne parviens jamais à isoler un « dit » de Flaubert… car toute son œuvre est une succession de « dits ».
Néanmoins pour ce papier je retiendrais trois instants :
Une lettre à Louise Collet :
« Je rends à l’humanité ce qu’elle me donne, indifférence. Va te faire foutre, troupeau ; je ne suis pas de la bergerie ! Que chacun d’ailleurs se contente d’être honnête, j’entends de faire de son devoir et de ne pas empiéter sur le prochain, et alors toutes les utopies vertueuses se trouveront vite dépassées. L’idéal d’une société serait celle en effet où tout individu fonctionnerait dans sa nature. Or je fonctionne dans la mienne ; je suis quitte. Quand à toutes ces belles blagues de dévouement, sacrifice, abnégation, fraternité et autres abstractions stériles et dont la généralité humaine ne peut tirer parti, je les laisse aux charlatans, aux phraseurs, aux farceurs, aux gens à idées »

Dans Madame Bovary…

… il y a un instant où Emma  se torture la conscience lorsqu’elle se regarde vivre… elle est seule avec un Charles son « benêt » de mari, elle aspire au Grand Monde… en souvenir d’un bal chez le comte voisin où elle avait été invitée… elle passe par toutes les transes existentielle… elle veut un amant… elle y pense… mais comme elle a été éduquée dans la religion catholique… parce qu’elle se trouve fautive… alors elle a soudain besoin de prier… s’humilier… revenir à la morale… microcosmique… elle va s’agenouiller sur son prie-Dieu… elle croise les doigts… et au moment où elle commence un « Notre Père… » elle remarque les pantoufles de Charles qui sont sagement réunies… elle constate qu’elles sont bien vieilles et trouées… elle décide sur le champ qu’il faudra lui en acheter des neuves…
Ici, on voit comment Emma passe du sublime à la réalité triviale que sont les deux ressorts des personnages… « le bovarysme » ce même personnage qui sans transition revient à des réalités tangibles après des évanescences éléphantesques… selon le mot de Rostand.

Toujours chez Emma…

… ce passage dit « des comices ». Là-aussi on se place sur deux plans. Emma et son futur amant Rodolphe… sont situés sur une fenêtre et écoutent le discours du sous-préfet… Flaubert met en parallèle le discours d’une nullité abyssale avec le discours de l’amant futur… celui-ci reprend en les sublimant les mêmes mots que le fonctionnaire pour séduire Emma… pendant que le Conseiller aligne ses anaphores…
« Et c’est là ce que vous avez compris disait le Conseiller. Vous ! agriculteurs et ouvriers des campagnes ; vous ! pionniers pacifiques d’une œuvre toute de civilisation ! vous hommes de progrès et de moralité ! vous avez compris, dis-je, que les orages politiques sont encore plus redoutables vraiment que les désordres de l’atmosphère… »
… à ce moment des désordres de l’atmosphère… Rodolphe avait conquis Emma par ses répliques son regard sa taille son rang… avec la belle phrase romantique :
« Est-ce que cette conjuration du monde ne vous révolte pas ? »

Toute la logique de la mise en scène de Flaubert est dans le parallélisme, la juxtaposition… des situations qui sont indépendantes les unes des autres… sauf que Flaubert en tire une relation…

« Je décris ce que tout le monde voit… mais que personne ne remarque »…

… c’est cette mise en relation qui est à la fois surprenante et admirable.
Flaubert : c’est la recherche « de perfection de la forme »

Et c’est ainsi que murmurent les tortues blondes

L’Ange Boufaréu

 

 

 

 

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