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15… Himeji…
L’Himeji est un restaurant dans lequel Josef vient parfois se ressourcer…
Tel le pinus pinea ou pin parasol dont les coques de pins mettent trois ans à murir et offrent leurs amandes aux cuisiniers, Josef avait attendu cinq ans à Yokosuka pour s’offrir une sage maturité… c’est à l’himeji qu’il venait pour sanctifier chaque étape de son évolution…
À présent, il était à quelques encablures de son départ… vers Pittsburgh…
Son show et son vibrant prédicat avaient fracassé le boss du régiment… néanmoins, il ne fut point privé de liberté, il pouvait librement sortir de l’enceinte du camp US militaire retranché, car son génie de traducteur… faisait la différence… les boss avaient des attentions très spéciales à son égard.
Ce soir il va rencontrer Akio à l’Himeji…
Pendant que Parker Barnaby poursuivait le voyage autour de sa chambre, il recherchait le Première-Classe… qui semblait avoir déserté le second paddock de la room n°369.
La souple geisha de service semblait léviter sur le sol, elle se déplaçait sans à-coups tel un nuage céleste, elle se posa devant Josef au moment où il citait Jérémie le prophète à Akio…
« Je vais m’attaquer à ceux qui prophétisent des songes mensongers – oracle de YHWH, et qui les racontent et séduisent mon peuple avec leurs mensonges et leurs légèretés. »
Dans l’Himeji, nul ne réagit… à quel songe, songeait-il… la flotte US était bien là… dans le port de Yokosuka…
Les convives ne sont ni plus ni moins impassibles qu’avant la citation que Josef a soufflée à voix basse, les assis savourent muettement le gyoza okonomiyaki yakitori… ou le tonkatsu porc pané…
Josef… est connu, on respecte, l’US Boy… de Première-Classe… of course !
Comme chaque fois qu’il vient, il prophétise, mezza voce… il psalmodie sans heurter le décibel du volume ambiant, mais par un réflexe étrange, les convives abaissent le volume de leurs échanges à tel point que l’on n’entend plus que le GI.
Certains convives, sans doute, manient aussi bien les baguettes que la langue d’Edgar Poe, mais aucun indice ne vient révéler un soupçon d’agacement d’incompréhension d’étonnement de réaction voire de curiosité. Le patron de la maison préfère de loin ce discours à ceux de certains guy’s qui ne vibrent point aux sermons de Jérémie et préfèrent les bouteilles de saké, nécessitant parfois l’intervention de l’US-MP en casque blanc.
Elle arrive en Jeep pour saisir les braillards, elle distribue des coups de bâton blanc, un remède pour non voyant devenu, puis un véhicule tout aussi MP emporte la charge vers les cellules du poste de police.
Nous avons visité… ces ergastules…
Nous connaissons aussi Akio… il boit les paroles du GI…
Josef, lui, ne boit que du thé…
Le boss de la gargote peut servir tranquillement… il connaît son Jérémie sur le bout des baguettes…
… le servage total… dit Josef sibyllin… citant Jérémie.
Josef saisit, pensif, selon une délicatesse d’expert, un chirashi-saumon du bout de ses baguettes nacrées.
Akio allait déguster un sushi froid de grains de riz blanc, enserrés au cœur d’un émincé de poisson rose, il immobilisa ses baguettes de bambou… il observa le GI : ce composé composite de cosmopolitisme US qui stationne sur le cosmos de Yokosuka péninsule… là il interrogea sa cosmogonie balbutiante, qui tentait d’expliquer la nature d’un Josef tel un objet cosmique… posé devant lui…
… ton sushi refroidit… susurra Josef…
Alors, Akio sourit et se souvint…
La rencontre fut un heureux hasard comme tant de hasards puisque le hasard fait si bien les choses…
Le GI semblait perdu dans une rue, un plan de la ville à la main. Akio s’approcha, s’inclina devant le GI dérouté en s’adressant comme il se doit dans la langue de l’échoué…
L’Américain répliqua en authentique japonais : « Je cherche le Kotoku-in… et son bouddha. ! »
Akio que personne n’attendait à la maison de ses ancêtres, n’espérait aucun message de ses géniteurs, proposa à ce naufragé de le conduire à Kamakura, visiter le célèbre Bouddha.
Depuis, le GI Josef-Jérémie devint l’alter ego d’Akio… le contraire est aussi pertinent.
Ce même jour, le GI lui attribua le titre « d’aide de camp », ils se retrouvèrent souvent… parce que le hasard fait bien les choses… et qu’il le valait bien !
Akio signifie « brillant et homme : 明夫 » est un garçon plein de bon sens… écrivit Josef dans son manu-script obèse… je vais pouvoir polir mon japonais avec cet autochtone… il est le bienvenu, il m’aidera à réparer l’asservissement de cette terre à l’empire Coca… l’horreur !
Pour Akio, la difficulté provenait moins des citations de Jérémie, le prophète de l’Ancien Testament que de l’origine du mouvement perpétuel de la pensée de Josef.
Les Tagaki, sa famille étaient originaires de la préfecture de Kanagawa depuis la nuit des temps de telle sorte qu’un pli japonais identifiait Akio comme authentique. Ses pensées étaient japonaises, son physique était japonais, ses coutumes japonaises, son vêtement… bon, peut-être… mais son alimentation nippone, ses rêves mêmes se situaient dans le Dai-nippon teikoku… selon la traduction vernaculaire : « Empire du soleil »…
Sa philosophie taoïste tintée de shintoïsme mâtinée de bouddhisme zen sublimé d’un zeste de new-wave kanagawien… lui conférait une spontanéité immobile… quant à son self-control… authentiquement japonais.
Durant tout le trajet qu’ils firent en train pour aller voir le Bouddha, Akio tenta de définir les multiples strates de la pensée de Josef. C’était la première fois qu’il approchait un GI d’origine Germaine… forcément il y avait hésitation sur l’ontologique nature du sujet.
Il était à l’aise… Josef… très à l’aise… Josef était chez lui… Josef… enfin chez Akio, mais cela revenait au même puisque la préfecture de Kanagawa était un territoire conquis par l’US-Land pour cause de guerre… perdue… par eux !
C’est ce que pensait Akio…
… tu es dans l’erreur… émit Josef… qui semblait avoir compris la pensé de son guide…
… l’aisance n’est que le corolaire de la maîtrise de la liberté, sans contrainte de pouvoir exprimer sa vue du monde tel qu’on le voudrait voir advenir !… tu comprends ?
Pour un Japonais envahi par la démocratie US… le propos semblait quinteux…
Et Josef parlait…
Akio entrevit les différentes couches qui construisaient la pensée de Josef. Il navigua de la vieille Europe Luthérienne germaine vers la Révolutionnaire française jusqu’à l’Ouest des durs Primaires cow-boys… puis ce fut la visite des Fathers de l’US-Land du Mayflower doublée par les Algonquins québécois adoubés par Champlain un vertueux French…
Là Akio se perdit dans les profondeurs de la raison lorsque Josef déclara :
… ce fut le jour… où Franziska me fut révélée !
Il allait demander… « mais qui est Franz… »… lorsque le train dans un cahot s’arrêta soudain à la gare de Kamakura, où ils descendirent. Josef prit Akio par la manche de son kimono… et là, seuls sur le quai, il annonça…
… écoute-moi mein Freund… tu ne peux imaginer les yeux de Franziska… le visage de Franziska… l’icône Franziska telle Anna Karénine… Nastasia Filippovna… la Mouette de Tchekhov… ce teint d’albâtre qui élève l’esprit à des sommets stratosphériques… bien au-delà du Fuji-Yama… je l’élue muse lorsque je la vis pour la première fois en entrant dans l’école de Hissa LUNA… et depuis toutes ces années, elle est mon phare ma poésie, mon inspiration…
… songe Akio !
… tu avais quel âge ?
… trois ans et six mois…
… tu étais précoce…
… c’est logique… car YHWH m’avait conçu avant que j’intègre la matrice de Yépa…
Là, Akio perdit pied…
Il songea… enfin, il ne parvenait pas à définir l’origine de la pensée fondamentale du GI… sauf une chose… l’homme blanc appartenait à l’ethnie US-Land, il avait du sang germain, il parlait russe, sa muse s’appelait Franziska… peut-être une transfuge… quant à savoir qui était Hissa LUNA… il renonça.
Peut-être le temps restant de sa présence à Yokosuka… offrirait la connaissance de ce mystère…
… écoute Akio… écoute-moi ! Je suis exilé ici… peu importe le temps qui reste !
Josef avait terminé ses sushis… il attendait son bol de riz gluant servi avec du poisson et des algues… la geisha en grande tenue le surveillait, car le plateau arriva aussitôt, à l’instant de son désir… elle avait un regard précis sur les mouvements feutrés du peuple… elle distinguait l’entrant du sortant, à de mystérieux indices…
… ma faute poursuivit Josef, fut de sublimer Franziska au point de penser et parler rêver en russe… à peine l’avais-je rencontrée que mon univers s’en trouva transformé, je passai d’une galaxie à l’autre en une nanoseconde.
La mutation de celui qui n’est rien et devient tout… je vins me prosterner et frapper trois fois mon front à ses pieds… elle comprit… ses yeux… ses cheveux… sa peau diaphane… ne dirent mot… je vis briller sa passion…
… il y a longtemps ? Osa Akio.
Josef but une gorgée de thé, car même un GI en éprouve le besoin…
… un siècle sans doute, plus peut-être, j’avais trois ans et demi… d’après les témoins.
… ah ! concilia Akio… conciliant.
… mais Hissa LUNA veillait… je ne sais pourquoi… elle m’imposa de ne pas importuner Franziska, moi, mais je suis un bâton de sucre candie je suis doux comme la fourrure d’un lapin rex, je voulais lui susurrer ma flamme. Avec Hissa LUNA, nous convînmes d’un accord équilibré, elle me laissa étudier le russe dans mon coin avec la liberté de conquérir les yeux de Franziska… pour l’instant…
Eh bien mon ami, trois mois après je lisais l’Idiot…
… qui ?
… l’Idiot… un bouquin de Dosto…
… à trois ans et demi ?
… trois ans et neuf mois !
… ça c’est fort !
… j’avais mûri grâce à Franziska… je lisais une phrase… je levais les yeux pour regarder ma Mouette russe… aussitôt mon encéphale intégrait la compréhension russe par simple osmose du regard…
… tu as pu… parler avec… ta…
… non… Akio… un jour… on me l’enleva !
Une sombre histoire, un matin, Franziska avait disparu.
Hissa LUNA en était-elle la cause ?
Josef alors se transforma en fin limier… à force de questionner Hissa et les filles, il apprit que l’école où il était n’en était pas une… le nom de garderie-nursery semblait mieux adapté. Bref, un lieu où l’on parquait les types d’enfants d’étrangers inadaptés… dont les parents pouvaient aligner les $.
À peine quelques familles.
Après une phase plus ou moins longue, il arrivait qu’un enfant parvienne à « s’adapter » à l’US-Land, alors il allait rejoindre le rassemblement normatif des universités toujours accompagné d’un pactole en billets verts.
C’est ce qui était arrivé à Franziska !
… où est-elle ?
Hissa LUNA répondit vaguement…
… quelque part, une autre rue, un autre quartier…
Un soir, Josef monta dans « Rosalie » et toujours debout à la droite de Gottfried, il ferma les yeux et énumérant les croisements, feux, bosses, échafaudages, statues, parc… soudain :
… Gottfried tourne à droite !
… Mensch ! Warum ? ( bon sang! pourquoi? : note du lecteur correcteur)
Josef venait d’ouvrir les yeux de sa nature profonde…
… avance !
Rosalie docile ne regimba point, elle entra dans un espace plus ombragé, aux maisons plus spacieuses, aux portails impressionnants… puis on arriva devant un bâtiment surmonté d’un dôme en or… au sommet duquel brillait une croix bien curieuse.
… arrête !
Josef admira la chose qui brillait…
… c’est là ! dit-il.
… là ?
… là !
… là quoi ?
… qu’elle est séquestrée…
… qu’est-ce que tu racontes… on est devant l’église orthodoxe !
… et alors !
Gottfried pesta, Rosalie ronfla et fit demi-tour pour retrouver la route grégaire conduisant à la ferme des pénates paternels.
… depuis, soupira Josef, je suis poursuivi par cette malédiction qui n’aurait jamais dû advenir si la bulle à Sainte-Sophie en 1054 n’avait entériné le Grand Schisme… tu comprends… l’orthodoxie n’eût point vécu !
Akio écoutait, admiratif… il ne savait pas pourquoi… mais l’admiration convenait bien à ses états de consciences…
Soudain… Josef s’immobilisa…
… écoute !
Akio tend l’oreille… Josef se penche et murmure à voix basse…
… là, à côté de nous… la table… non, ne regarde pas… seulement à la dérobée… tu entends ?
Il n’entendait pas ce que Josef voulait lui faire entendre, il ne décrivait pas ce qu’il prétendait percevoir…
… des Russes souffla-t-il très bas… des espions ! J’entends parfaitement ce qu’ils trament… mais il y a pire !
Akio, en fidèle adepte des arts martiaux, rassembla ses sens, pour les mettre en éveil, c’est la première phase, la seconde étant de reconnaître le danger… y en a-t-il un ?
… la femme pleure ! Murmura Josef…
Akio risqua un œil en tournant naturellement la tête sous la pression de Josef… il découvrit le groupe de quatre hommes et d’une femme qui effectivement pleurait… plus exactement, des larmes coulaient sur ses joues. Elle tamponnait ses pommettes avec un beau mouchoir brodé d’un blason en cyrillique fort reconnaissable à cinq mètres de distance, les hommes mangeaient en silence en levant parfois la tête pour observer la dame.
… ils la séquestrent… comme Franziska…
Akio ne pensait pas la même chose, mais Josef semblait si convaincu qu’il en devint convaincant… le dénouement advint alors même que ses sens de maître ès arts martiaux étaient en éveil, il ne vit point arriver ce coup-là.
Josef se lève soudain…
Se plante devant la table…
Les quatre hommes le regardent…
La femme se tait…
Après un instant de recueillement sans doute pour retrouver un texte d’inspiration égalitaire… Josef se lance sans élan dans un prêche… sublime de beauté… qui illumine sa voix… pendant que les quatre hommes le foudroient du regard… et que les cent vingt-cinq mangeurs… s’immobilisent… cessent de consommer… imaginez deux cents cinquante baguettes en l’air…
« Ainsi parle le Seigneur aux hommes de Judas et aux habitants de Jérusalem
Défrichez votre champ, ne semez pas parmi les ronces
Soyez circoncis pour le Seigneur ôtez le prépuce de votre cœur
Hommes de Judas et habitants de Jérusalem
Sinon ma fureur jaillira comme un feu
Elle brûlera sans que personne ne puisse l’éteindre à cause de vos agissements pervers ! »
La geisha de service bondit à petits pas, le patron de l’Himeji s’élança à grands pas, les quatre hommes se levèrent pas à pas.
Akio ne savait pas… si le GI pouvait encaisser… la réaction…
Heureusement, l’homme de la taverne s’interposa…
Il reçut la bronca russe qui était destinée au Prédicat… pendant que la douce personne séchait ses yeux aux minuscules serviettes de l’Himeji…
…うるさい!Urusai !… psalmodia la geisha, l’autorité de sa douceur fit merveille…
… hommes de peu ! eut le temps de prêcher Josef…
… shut up ! en US language… répliqua le Russe…
… ce sont vos agissements pervers qui provoquent la peine de cette dame que vous séquestrez… vous encourez le courroux de Dieu… il ne vous oubliera pas !
Comme par enchantement, surgirent trois policiers Japonais et un couple de MP de l’US-Land… pour apaiser le conflit…
On encadre Josef, il est escorté, il sort par la petite porte des livreurs de légumes du matin, il faut se frayer un chemin dans les buées de la cuisine, ça sent le graillon de poisson, le sol est poisseux d’huile, mais Josef tient debout forcément tenu par cinq paires de bras…
Où est donc passé Akio ?
Il paye l’addition… Sir !
Mais au grand dam du patron de l’Himeji…
Par courtoisie pour le GI, il ne voulait pas encaisser le repas… à la rigueur, avoue-t-il, il ne daignerait pas d’accepter le montant en $…
Akio effectua la conversion, puis prit le même chemin parfumé en glissant pour rejoindre, solitaire, le groupe entourant Josef…
À son arrivée, les forces se divisèrent, les trois policiers Japonais, laissant le GI aux mains de ses MP pour s’emparer d’Akio… qui se vit face à sa police.
Les deux groupes embarquèrent séparément dans deux véhicules…
Nul ne sut ce que devint la séquestrée en pleurs…
Le repas était-il au début du menu ou à un point avant l’ultime plat ?
Le mystère demeure…
« Où l’on comprend qu’il est inutile de s’interroger sans raison sur les larmes d’une dame… sauf Josef… que savait-il… la suite nous le révèlera. »
Et c’est ainsi que murmurent les tortues blondes
Gentilés
Si le voulez bien
Lisez suite jour prochain
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… vous trouverez les opus édités…
L’Ange Boufaréu
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