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33… Resurrezione di Rosalie in stile dantesco !…
intitolata Akio che in contatto con Josef parlava italiano… (titra Akio, qui au contact de Josef parlait italien…)
… Josef ! Descends !
On le secoua… Il dormait d’un sommeil de papoose, il venait de retrouver le doudou de son enfance…
… en bas !
La tante Algonquin était essoufflée. Les escaliers étaient bien trop hauts, bien trop raides pour elle. Josef sauta de son nid, quitta ses hauteurs totémiques, enfila prestement ses brailles, chaussa ses mocassins, dévala les marches et revint dans la noosphère patriarcale.
La grande salle était animée. Toute la tribu de l’hacienda était sur le pied de guerre. Les Indiens campaient dans leur coin. Yépa s’était instinctivement rapprochée de sa tribu assise près du feu… protégée par des troncs d’arbres…
Sur son immense fauteuil, Gottfried regardait ahuri, trois policiers en tenue flamboyante tels des obélisques incongrus échoués au milieu de l’espace sacré…
L’apparition de Josef pacifia l’agora.
Akio, impassible samouraï était déjà assis sur le Eckbank, il prenait des notes.
… Josef Schmitt ! interpella le boss des trois que Josef avait reconnu… sans doute un pensionnaire de la maison Hissa Luna.
… c’est toi qui le dis !
… décision du pouvoir supérieur. Tu es assigné à résidence. Interdiction de quitter ce lieu !
… qui l’a décidé ?
… c’est écrit ici !
… un oracle… sans doute… murmura Josef.
Soudain, Gottfried, qui était jusque-là resté muet, remua d’un seul mouvement. Il avait analysé l’insoutenable incompréhensible. Il se dirigea vers un râtelier et décrocha la Winchester qu’il avait astiquée récemment…
Tranquillement, le prophète incarné se libéra comme par enchantement de la pesanteur des trois molosses, il se porta vers le Vater animé d’une lente attitude de compassion, posa une main sur le canon de l’arme qu’il abaissa sur le sol…
Gottfried lâcha prise, les mains gesticulantes, il se mit à hurler le discours archaïque d’un immigré de la Mitteleuropa pour se précipiter sur un vieux Colt…
Les représentants de la loi, prudents, observaient, en révisant mentalement le manuel de conduite du parfait flic…
Le Prophète lumineux veillait… entre le Vater… les mercenaires… et l’arme…
« Moi… disait Gottfried… ici… moi… j’ai construit ce pays, je suis la quarantième génération. Mes ancêtres sont arrivés ici, il n’y avait rien… Überhaupt nicht… de la terre, de l’herbe, de la boue et des sauvages… tout drainé… tout mis en culture… élevage. Oui, il y avait des sauvages, ils avaient des armes… nous, on avait des charrues et des bœufs pour labourer… Und Gott mit uns… Eux assassinaient ceux qui arrivaient. Nous, on apportait le travail… le médicament… la discipline… l’ordre. Alors, nous aussi, on a trouvé des répliques. On a fait de l’ordre. Ils sont tous partis… Ach Mensch! Occis ! Et voilà… ça a marché, parce que nous, on travaille, on ne se prélasse pas. Fainéants, voleurs, ces nègres, ces Jaunes, ces latinos… ces rouges…
Und jetzt ?… voilà les nouveaux sauvages, qu’est-ce que vous voulez de nous, nous avons travaillé toute notre vie, pour servir ce pays, qui ne nous respecte plus ?
Oui ! moi… j’ai voté Casque d’or pour qu’il foute toute cette racaille dehors. Il a raison.
Ouais, le grand-père du Boss, lui aussi est venu avec rien de Kallstadt. Alors ! vous voulez quoi ? Was wollen Sie?
Au premier mot de Gottfried, l’assemblée avait tendu les muscles, retenu son souffle. Puis, lentement, les auditeurs s’étaient décontrastés… ils avaient entendu mille fois le discours.
Josef tenait la Winchester, le Colt n’avait plus de barillet. On laissa s’écouler le flux du laïus au malus antique du patriarche aux bretelles vibrantes d’indignation qui venait d’être surpris dans sa maison, où il était souverain, par trois autorités d’outre-clôture qui faisaient de l’ombre à son pavois. Il éructait, indigné d’être confondu avec cette pègre qu’il dénonçait, lui qui avait, comme son père, son grand-père, ses aïeux, travaillé toute une vie pour construire ce pays…
Les trois uniformes ne bronchaient pas, l’œil rivé sur la Winchester au canon cassé que Josef tenait encore tout en lisant le document qu’on lui avait remis…
Gottfried tournait en rond et sur lui-même. Il cherchait un tomawak…
… déclassés… voilà… nous les pionniers. Oui, des déclassés. On m’a pris ma terre pour faire des usines. Vous avez vu ce qu’elles sont devenues ? Ach de mon temps ! Maintenant, des friches. Tout est parti de l’autre côté de la mer… là-bas chez les Jaunes, on fait de l’esclavage. Nous, on est en ruine… tout est en ruine… les usines… le peuple… les envahisseurs, eux, ils détruisent tout…
Soudain épuisé, Gottfried s’effondra sur son fauteuil et s’endormit…
Seules les bûches de bois craquèrent encore dans l’âtre.
Tels les personnages sortis tout droit du tableau « L’humanité avant le déluge » de Jérôme Bosch, ils étaient immobiles, ils s’observaient le regard vide, dans un décor antique où un Vater révolté se confessait sous l’œil des hures de sanglier couvertes de poussière… qui avaient entendu d’autres sermons.
… on ne fait qu’apporter le message ! émit d’une voix neutre le chef de la délégation.
… je vous raccompagne !
Josef reposa la Winchester sur le râtelier… les trois policiers saluèrent la communauté du bout des lèvres… et, en silence, ils sortirent à reculons, guidés par l’assigné à résidence.
Mais juste avant de monter dans la grosse berline aux armes du comté, dans laquelle attendait un conducteur, le chef de la délégation s’adressa à Josef, dans une authentique attitude de confrérie militaire :
… Josef, tu as bien lu ?
Assentiment de prophète…
… on a des ordres… tu comprends…
« Il comprit ! »
Après avoir prononcé ces fortes paroles, la troïka réintégra le cockpit et la berline blanche aux armes de l’autorité remonta le chemin chaotique, qu’elle éclaboussait de gerbes d’eau en roulant dans les flaques de boue…
Akio avait attendu le départ du char officiel pour rejoindre Josef…
… Barnaby ! souffla Josef. C’est lui qui tire les ficelles !
… il veut sa seconde étoile…
… il ne lâchera jamais…
… tu le sais, Akio, je vais prophétiser dans ce pays… le Vater a raison, mais personne ne l’entend… Barnaby veut me faire taire…
… mais alors, tu ne peux rien faire… puisque tu es…
… bien sûr… Josef Schmitt va être sage, mais John Smith le révérend va agir !
Ils se mirent en état d’alerte et en position de combat. Le premier acte serait de sortir Rosalie de la grange après avoir passé un accord avec Gottfried.
Le déjeuner du matin fut un théâtre d’ombres et d’éclats, entre grosses miches de pain noir, cornichons aigres-doux, motte de beurre, confitures, Wurst grillées, Aufschnitt fait maison et bols de café au lait… de génisse… de l’Hacienda.
Alors Josef demanda… sans demander… mais tout en demandant…
… Vater, est-ce que Rosalie peut reprendre du service ?
Gottfried ne broncha pas…
Yépa fit un petit signe en désignant l’oreille de son mari, sous-entendant ainsi que Gottfried était malentendant de ce côté-ci…
… Vater… Rosalie roule ? hurla une tante.
… Nein!
Silence…
… Warum ?
… elle n’a pas de roues ! mastiqua-t-il la réponse entre deux cornichons.
Nouveau silence interminable…
… mais elle peut si on la chausse ! annonça-t-il après avoir avalé les cornichons « Süβauer »
… hugh ! dit Cheval-Fou, un grand sachem retraité.
Puis une dizaine de minutes plus tard :
… Für was ?… c’est pourquoi ?
… c’est pour le petit ! souffla Yépa à l’oreille du patriarche de droit divin.
Alors Gottfried leva la tête, il observa Josef, comme si c’était la première fois qu’il le voyait depuis son retour. Il se gratta le front. Manifestement, quelque chose ne cadrait pas avec sa compréhension des choses…
… as-tu ton Führerschein pour conduire ?
… bien sûr !
… où tu as passé ton permis ?
… à l’école militaire !
… et pourquoi tu n’es pas en uniforme ?
… j’ai été libéré, j’ai terminé mon contrat !
Gottfried le regarda, les yeux exorbités, tentant de déchiffrer cette énigme…
… alors tu travailles pas ?
… c’est ça !
… alors tu gagnes rien !
… pour l’instant !
… ach ! Tu veux retravailler ?
… genau (exactement)
… mit Rosalie ? (avec Rosalie)
… ist es möglich ? (est-ce possible?)
… kan man sehen ! ( on peut voir!)
Arès une longue réflexion silencieuse Gottfried se redressa et annonça fièrement à l’attention de tous les membres de la famille, tantes, oncles, Algonquins et Germains encore vaillants :
… j’ai toujours dit qu’il ne fallait rien jeter… et surtout pas Rosalie… la preuve, le petit en a besoin… !
Et voilà Gottfried qui vide d’un trait le bol de cinq cents grammes en faïence estampillée Gräfenthal, il se lève.
… je vais remettre Rosalie sur les roues !
Ce fut alors le nouveau grand rituel…
Gottfried monta dans sa chambre puis redescendit une bonne demi-heure plus tard après avoir troqué son pantalon de serge à bretelles contre un bleu de chauffe, une veste une casquette de mécano des brodequins de sécurité le tout sentait la naphtaline…
Il revint, triomphant…
… celui-là, je l’avais mis en réserve… on ne sait jamais… !
Et Gottfried heureux reprit du service, celui qu’il avait toujours rempli lorsqu’il travaillait comme mécanicien dans les verreries de Pittsburgh – une époque antique, révolue… En ce temps-là, la nuit – car la verrerie ne s’arrêtait jamais – Gottfried évoluait entre les machines où la goutte de verre en fusion tombait dans un moule pour produire la bouteille de Coca-hola.
Il portait son bidon d’huile, graissait ici, essuyait là, resserrait un boulon, écoutait le bruit du moule qui se refermait. Il avait la science mécanique dans la peau, il savait distinguer la dysfonction d’un moule à un décibel près au milieu de cent cinquante.
Et puis l’usine ferma.
Le verre était devenu inutile, tout comme lui, il fut remplacé par la boîte de métal puis la bouteille de plastique.
Plus tard, un jour, les usines de boîtes et de plastiques fermèrent à leur tour, comme tant d’autres. Le Coca devint juste un concentré qui partait en bidons de trente litres pour coloniser tous les pays du monde. À eux de remplir les bouteilles en plastique ou en verre fabriqué sur place, loin du berceau originel…
Un crève-cœur pour un mécano, un magot pour les détenteurs de la formule… Coca.
Gottfried en costume de mécano renaissait. Il était resplendissant, lumineux, sous sa casquette de chauffe. Il affichait trente ans de moins. Il allait se plonger dans le cambouis, avec sa boîte à outils, ses chiffons et ses tonnerres de Dieu… en Germain.
Mais attention, il ne voulait personne autour de lui. Tel le matador seul dans l’arène, il voulait affronter la bête inerte pour qu’elle rugisse à nouveau.
Ce sera long. Ce sera peut-être même un combat inégal, où la machine pourrait vaincre la raison mécanique d’un encéphale assoupi de mécanique.
Les tantes vidèrent le plateau et partirent faire la vaisselle…
Les Indiens posèrent une buche sur le feu, se posèrent sur leurs peaux de bêtes et proposèrent de fumer le calumet… avant la future séquence…
Josef investit sa bibliothèque…
Akio ouvrit son manu-script…
« Je ne sais rien, je ne comprends rien, je vois, mais comment décrypter le réel ?
Moi, j’ai vécu avec mon râteau pendant des années, peut-être même depuis que je suis né. Cette Hacienda semble vivre dans un autre monde… était-ce celui de Jérémie ? Est-ce bien le cadre que je décris ou est-ce une Fata-morgana ? Tant de forces contraires s’y opposent. Que veut faire Josef… John… Jérémie… le Prophète ? Je n’en sais rien… Il me semble même qu’il n’en sait rien lui-même.
Douterais-je ?
Qu’est donc cette raison qui dicte des raisons d’agir alors que l’on n’en connaît pas les raisons ?
Ces Algonquins vivent en sécurité dans un espace qu’ils ont combattu sans se soucier que ce paradis devenu est en train de sombrer. Ces Germains, ces dieux, se délabrent parce qu’ils n’entretiennent plus leurs chimères. Des mirages se sont déplacés. Les forces des Bannières étoilées ont rejeté à la périphérie outre-mer, toutes les tâches qui donnaient un sens à leur vie, ils ont détruit la colonne vertébrale de tous ces migrants blancs. Ils le savent… ils le voient… ils le vivent… Eux, qui ont éliminé des indigènes, sont à présent repoussés par des hordes encore plus sauvages que les anciennes – des hordes venues d’ailleurs aux peaux de toutes les couleurs. Ces Blancs ne font plus d’enfants, ils sont en diminution. La masse des envahisseurs fait désormais loi, inexorablement, car leur démographie tend au « grand remplacement »
Gottfried a eu le mot juste : “déclassé”…
Ils sont déclassés. La vertu du travail musculaire n’a plus cours. L’électron a tout
fracassé…
Moi Akio, en quelques jours, je viens de découvrir le choc des tribus planétaires. Je viens de comprendre que la profonde pulsion des Bannières étoilées est de répandre ce remplacement sur toute la surface de la terre, tout en vantant la force universelle qui prétend tenir l’équilibre…
Les migrants seront un jour remplacés par d’autres migrants qui perdront leur pouvoir, puis par d’autres vagues de migrants encore et ce, pour le seul profit de la Bannière étoilée… ?
C’est ça l’évolution de l’humanité : Make America Great again !
Akio, perdu sur l’Eckbank, méditait sur ce qu’il venait d’écrire, le manu-script ouvert devant lui… Yokosuka mon amour… était loin…
… « Hiroshima mon amour », souligna Josef, tu plagies Duras… tu rêves, Akio ?
C’était précisément ce qu’il pensait au sujet de Josef…
Ce matin-là, il avait disparu…
Akio écrivit :
« Ce matin, pour la première fois depuis… je ne sais plus. Josef a disparu. Il n’est pas descendu prendre son chocolat au lait, dans lequel il trempe des tartines de compote de pommes…
Je regarde autour de moi, mais la vie se poursuit, nul ne dit mot…
Je viens de boire ma tasse de thé. Une tante a insisté pour que je prenne une saucisse qui baigne dans une eau bouillante accompagnée de salade de pommes de terre arrosée de mayonnaise. Elle m’a tendu un pot de moutarde, mais respectueusement j’ai répondu en la remerciant que je n’avais pas faim. Elle m’a regardé avec beaucoup de commisération en secouant la tête et en murmurant à très haute voix qu’il fallait manger, que le thé, ce n’était que de l’eau chaude…
J’avais l’impression qu’un orage, un cataclysme, un ouragan allait se déclencher, alors je suis sorti. »
Gottfried était dans la grange, mais Akio ne s’en approcha pas : il alla se poster quelques mètres plus haut, sur un bloc de pierre qui aurait dû, lui avait-on dit, devenir une sculpture. Un très vieil oncle de la branche germaine avait commencé au burin ce grand projet. Mais il ne put le poursuivre, car il fut rappelé trop tôt par les dieux du Walhalla. Sur le minéral fossile, quelques stigmates en creux avaient esquissé un visage qui clignait d’un œil. Était-ce une erreur du sculpteur ou était-il un génie du ciseau qu’hélas, le temps l’arrêta dans sa création.
Nul ne le sut.
Mais ce clin d’œil michelangélien réconfortait Akio. Ce clin d’œil savait… quoi au juste ? On ne savait pas, mais il interpellait.
La pierre était froide et dure…
Là-bas, devant lui, Gottfried avait repoussé dans un effort de démiurge le volume des ruines qui encombrait le chapiteau au-dessus de Rosalie. À présent, il avait découvert les entrailles de la vieille mécanique, il avait installé un trépied de barres d’acier monté sur rails qui soutenaient un palan. Il actionnait tel un puisatier bédouin la chaîne… et lentement le moteur sortit de la carcasse. Il manœuvrait l’ensemble tel un grand sage ou un boucher ouvrant le poitrail d’un bœuf pour en extraire les abats… selon, le point de vue où l’on se place.
Gottfried allait soigner les pièces du moteur… les graisser… les changer… les alimenter… puis réinsérer… les greffons…
Un grand prêtre ?
Oui, parce que Gottfried paraissait œuvrer selon une liturgie sacrée, plongé dans un recueillement méditatif, comme s’il se livrait à une authentique messe mécanique – car tout était calibré, précis, millimétré, Germain en somme.
Les entrailles hissées pissaient leurs huiles sanglantes…
« Scheiße und Scheiße! » psalmodia Gottfried qui se précipita pour saisir une large cuvette de métal qu’il tint sous la tripaille en perte d’humeurs…
Gottfried voyait la bête se vider et en même temps il ne pouvait à la fois tenir la cuvette et pousser le trépied sur ses rails pour dégager les abats de la bête hors de son corps…
Goutte après goutte, la cuvette fut pleine. Il fallut la retirer, puis la poser – ce qui semblait impossible, car il fallait l’incliner. Or, en inclinant le récipient, son contenu se débinait…
Akio, n’écoutant que la philosophie de ses Pères – qui était celle de l’aide-de-camp de son prochain – courut avec calme et s’approcha du trépied incognito, dans le dos de Gottfried. Avec précaution, il tira sur la chaîne pour que la panse dégoulinante remonte d’un chouïa, ce qui libéra l’espace. Gottfried, ému de l’action des dieux antiques et l’aide des corbeaux de Wotan retira la cuvette en déshérence, qui rendit grâce dans un doux clapotis huileux…
Ainsi enhardi par les miracles de l’élévation des corps, Gottfried poursuivit l’ouvrage à cœur-ouvert. Il se rua avec méthode sur le trépied qui roula sur les rails métalliques, ils transportaient la panse sur une table en acier de construction ancienne mais authentiquement gottfriedienne, pendant qu’Akio, après avoir accompli sa part d’assistance, passait son chemin dans l’ombre de la grange qu’il contourna pour aller rendre visite aux animaux qui peuplaient la ménagerie…
L’étable était grande et longue. Elle offrait des box à une douzaine de vaches et quelques bisons qui le regardèrent sans animosité de leurs gros yeux globuleux inertes…
L’espace sentait l’urine, la bouse fermentée, le foin, la sueur animale, les flatulences de panses que les animaux libéraient en ronflant avec une méthodique application…
Tous les matins, il fallait traire les bêtes.
Jadis, il y avait trois fois plus d’animaux.
Au fond du bâtiment, sur la place laissée vide, étaient parqués une jument et son yearling tout neuf, à peine âgé d’une semaine…
Akio n’avait jamais vu une jument appaloosa et encore moins un de ses rejetons… Lorsque Yépa arriva avec un seau et un tabouret pour entrer dans le box, la jument secoua la tête et remua la queue en signe d’agacement…
Alors Yépa lui parla dans sa langue. Sans même la regarder, elle refaisait les gestes de tous les matins, le même parcours dans l’espace du box…
Elle harnacha d’une longe le mufle de la jument qu’elle fixa à un crochet au mur. Tous ses mouvements étaient souples, nets, simples. Puis elle caressa le col de la jument et s’approcha de son oreille. Elle lui parla lentement, longuement, doucement. La queue se calma, la peau ne tressailli plus, les oreilles se redressèrent. Alors une main glissa lentement sur le pelage tandis qu’elle posait le siège à côté des pis. Puis, dans le même mouvement, la main, toujours au contact, atteignit la mamelle. Elle la malaxa par petites pressions. Puis elle s’assit, sortit de l’autre main un léger chiffon d’un sac pendu à sa poitrine, essuya le téton, réintégra le linge et, des deux mains, progressivement, fit gicler le lait dans le seau.
Au moment où la main quitta l’oreille, elle commença une complainte dans un style enfantin, elle répétait les mêmes couleurs de notes – une douce berceuse qui reproduisait des états existentiels tantôt doux et tendres, tantôt agités, furieux et romantiques…
Le temps semblait ne plus exister. Le seau avait recueilli l’obole du matin. Yépa chantait toujours quand elle se releva. Elle appela le petit qui l’avait regardée depuis son arrivée. En sautant sur ses pattes, il arriva vers elle, il vint se loger sous la mamelle bénie : il en restait largement pour lui aussi…
Alors Yépa, qui chantait toujours, décrocha la longe, libéra la femelle qui jeta un hennissement en ruant du col.
La main la caressa. La voix l’apaisa. Lentement, la liturgie cessa progressivement sans aucune rupture… doucement…
Yépa quitta le box… en psalmodiant… Yépa… l’Indienne… avait-elle conservé le langage du sixième sens… ou bien était-ce ce style de management qu’avaient universalisé les Bannières étoilées type Disney pour coloniser les espaces, grâce aux douces complaintes louangées de Dumbo-Volant et de princesses vertueuses ?
Akio était au confluent des cultures… il avait entendu…
« Ne faites rien, braves gens. La Bannière Etoilée organise votre sécurité, votre alimentation, votre vêture, votre look : il suffit d’adhérer. Vous aurez alors ce doux bercement de l’action-ponction sans douleur… étasunien et bien sûr démocratique.»
Au début…
On avait commencé par supprimer manu militari toute opposition sous la houlette du divin. Puis le droit avait émis que certains n’avaient aucune âme, comme les bestiaux. Alors, parce qu’ils regimbaient et osaient opposer leur humanité, on déplaça le problème ailleurs, vers le tiers-monde encore sous le joug des tribus, qui ne gagnèrent que des sacs de verroteries ou le tic-tac d’une montre.
Ce fut le triomphe de la sorcellerie… enseigné dans les Universités étasuniennes… sous le nom barbare de « marketing »
Il fallut du temps.
Les Bannières étoilées trouvèrent les solutions.
Les Bannières étoilées sont le principe incarné des Father qui posèrent le pied sur la presqu’île Cape Cod selon lequel : il faut être toujours en avance d’une douzaine de longueurs sur les suivants.
En même temps qu’ils éclairaient… on parle des Father… ils modifiaient les règles du jeu… avant que le reste du monde comprenne le mode d’emploi, ils avaient déjà changé le manual… « Poor apple will understand…»… pauvre pomme va comprendre !
Akio restait contemplatif dans l’étable, perdu dans ses pensées. Soudain, le long sentier couvert de gravier si graphiquement tenu qui conduisait au temple de son île lui apparut comme un instant d’immortelle sérénité – un sentiment qu’il n’avait encore jamais éprouvé.
En réalité, ce sentiment provenait de la rupture spatiale après un vol de vingt-quatre heures qui faisait réapparaître ce sentier aussi intemporel que cette Hacienda.
Soudain, une question surgit : comment ces moines de l’île, repliés dans le dojo, pouvaient-ils comprendre les mouvements qui agitaient le monde ? Là un flux de réflexion en découla…
Jadis, on se déplaçait à pied puis apparu le cheval la voiture le bateau le train l’avion… Progressivement, on avait pu mesurer les différences de cultures jusqu’au jour où elles seraient parfaitement indifférenciées, notamment au niveau de la langue, de l’alimentation et des vêtements… une médiocre synthèse de platitude… la McDolatrie en marche… la Bannière étoilée s’y employait, avec au bout un pactole à l’horizon…
Les peuples suivaient, tels des veaux…
Ce n’était plus la force, mais le volume des vagues séductrices. Peu importait la diversité des populations, il suffisait qu’elles consomment les mêmes artefacts et leurs ersatz…
Akio laissa glisser cette dernière vision…
Et si Josef l’avait lui aussi ensorcelé ? Dans son temple, Akio n’avait jamais eu ce genre d’interrogation. Son existence se résumait en un éternel cheminement sur un sentier où il ratissait les douleurs, les angoisses, les doutes de sa simple vie… que les visiteurs imprimaient.
Là-bas, sur son île, il n’aspirait à rien. Il tentait de s’unir au cosmos dans un cadre tracé depuis des siècles par des communautés essentiellement préoccupées de survivre dans un milieu aride. Il était en phase avec le cadre. Tout concordait : le gravier, les arbres, le temple, le toit de tuiles vernissées…
L’accord…
Et à présent…
… Akio !
Qui appelait ?
Josef apparaissait… puis disparaissait…
Akio se pencha vers le bison…
… à ton avis, elle pèse combien ?
Car ce bison était une femelle…
… cinq cent kilos…
Josef restait mystérieux devant l’animal.
Akio tentait d’évaluer la différence qu’il y avait entre ce personnage et celui qu’il avait connu à Yokosuka. Le délire semblait avoir disparu, mais il couvait en indices de surface. Le patriarche Gottfried, le poids de la famille, les racines pesaient-elles à ce point sur le dos de celui qui se disait être la réincarnation de Jérémie ?
Où allait-il ?
… on va dire bonjour à Rosalie !
C’était un jour anodin : une Hacienda assoupie… une tribu archaïque… un messie au repos… un mélange d’apôtres… des questions existentielles… flottaient…
Les entrailles de Rosalie étaient à présent étalées sur la table métallique. Gottfried avait plongé ses mains avec délice dans le gras des huiles : pièce par pièce, tout le puzzle était maintenant étalé sur la table de dissection. Pas un détail n’échappait au regard expert du mécano, sauf qu’ici, il n’y avait ni le volume des cent cinquante décibels des machines ni les 1450 °Centigrades qui liquéfiaient le verre, ni les vibrations permanentes du sol…
Ici, régnait le silence mécanique de la réflexion.
Là-bas, l’usine était morte, en ruine, mais ici, il restait le Kaiser de la clé à molette, le König du pinceau trempé dans la Benzine pour redonner lustre aux pièces de l’aïeule à la rouge vêture.
Doucement, Josef et Akio s’avancèrent…
Alors Gottfried entama un long sabir vernaculaire commencé, il y a quarante générations avant lui, mais qu’il continuait de poursuivre – car, depuis l’arrière-grand-père, tous les Schmitts furent forgerons-mécaniciens la nuit et cultivateurs le jour : tous ces outils avaient déjà eu une vie avant la naissance des ancêtres de Gottfried ; ils avaient été rodés par les anciens ; à présent, ils parlaient, ils s’inséraient, ils s’adaptaient, ils s’ajustaient comme par magie.
Les entrailles se tenaient en ordre d’insertion chronologique, dûment inspectées, nettoyées, polies, touchées, massées, caressées. Gottfried expliquait, conseillait, remarquait, analysait, démontait, remontait, démontrait…
Dans l’atelier, au fil du temps, il avait récupéré une dizaine de moteurs, c’était dans cette carrière qu’il allait extraire une pièce pour relooker la Vénérable. Il déplorait que ces Ford-là soient toutes mises à la casse, compressées, refondues, écrabouillées par la vindicte des styles nouveaux…
Il faudrait des heures, peut-être des jours pour que Rosalie soit prête…
Mais Josef ne piaffait pas…
Il observait, il attendait… soudain, il disparut pendant que Gottfried disait sa messe. Josef traçait sa voie, mais nul ne savait où.
Akio, lui, ne traçait que des mots dans le manu-script…
« Il est très tard, le ciel est clair, les étoiles brillent. Loin, quelque part, on entend un chien qui hurle. Devant moi, de l’autre côté de la cour, dans la grange, brille le fanal du chantier ; une lampe-tempête se balance au-dessus de l’antique machine…
Soudain, sans prévenir, le cœur de Rosalie se mit à battre. Il tourne rond, sans effort. Le corps béant regarde son organe redevenu vivant.
Gottfried est ébloui par le rythme des pistons, le ronronnement du vilebrequin, le vibrato des bielles qui entament ensemble leur harmonie de jadis… lorsque Rosalie était une jeune fille.
Par égard au démiurge, je ne m’avance pas vers l’atelier à cœur ouvert. Je laisse Gottfried à sa joie, mais c’est lui qui m’appelle. Comment sait-il que je suis là ?
Je m’approche. Gottfried est triomphant. Il me montre le cœur vibrant sur la table pouffant un nuage de fumée blanche qui agresse la gorge. Gottfried m’explique que les pièces en mouvement sont encore froides et huileuses. En pleine sudation elles recherchent leur course. Ce sont les nouveaux locataires qui doivent montrer patte blanche dans l’ensemble… et ça, ce n’est pas automatique ?
On oublie que ces bouts de métal ont, eux aussi, des états d’âme… ils se dilatent, ils s’épanchent, ils transpirent… et oui !
Je ne le savais pas !
À ce niveau d’avancement, Gottfried coupe l’alimentation de l’organe qui tressaute un court instant puis s’immobilise. Il essuie amoureusement le bloc-moteur en fonte, éteint le fanal et tire l’immense ventail…
… Schlafen gehen… décréta-t-il… aller se coucher…
Alors Gottfried entre dans sa douche de chantier et en ressort une demi-heure plus tard en costume d’intérieur – chemise à carreaux sur pantalon de serge, le tout ajusté par d’énormes bretelles sans doute centenaires…
Akio poursuit son dialogue à une voix.
… je reste dehors, il fait froid, mes fesses ne parviennent pas à chauffer la pierre sous moi. Les lumières de l’hacienda s’éteignent une à une…
Je suis seul… là… en Pennsylvanie…
« Was mache ich hier? » Qu’est-ce que je fais ici ? Akio pensait et rêvait en Germain!
« Alors, ne sachant pas que faire, je m’endors. »
Heureusement, que le scribe de service était là pour prendre le relais…
Une voix appelait…
Akio se leva. Était-ce Josef ou bien Jérémie ? La voix le guidait dans l’obscurité. Il avança jusqu’au bosquet des huit érables que Josef avait observé du haut de la butte lorsqu’ils étaient arrivés à l’hacienda. Il avait été intrigué par cette nouveauté dans le paysage de la maison : ces arbres rompaient l’horizon ; il n’y avait aucune raison à cela…
Une ombre se tenait justement au milieu des érables qui frissonnaient doucement… C’étaient des Acer pennsylvanicum « à peau de serpent », c’est-à-dire à écorce striée, le seul érable qui ne soit pas originaire d’Asie…
Josef était au centre du bosquet…
… je sais… à présent !
… quoi ?
… c’est Yépa qui a planté ces huit érables à la tête de chaque tumulus… tu vois ?…
… non ! car seul un prophète voit…
… je t’explique.
Josef dirigea le faisceau d’une lampe au pied de chaque arbre, et, effectivement, il y avait huit tumulus. Étaient-ce des ancêtres dont on aurait masqué la vie et la mort ?
… mes huit dindes sont là !
… comment as-tu trouvé ?
… j’ai reçu un message !
… de qui ?
… les Tortues blondes !
Là, surtout, ne pas intervenir. Le scribe laisse la place à Akio, il prend la relève… et note les questions :
« Alors, les Tortues blondes auraient-elles une connaissance ubiquitaire ! »
Puis…
« Je pensais rêver, mais non… C’était bien réel… Voilà que reviennent les Tortues blondes…
… diable dis-je, car ne sachant que dire !
… non, biblique… poursuit Josef…
… tu vas assister à mon premier grand sermon, mais d’un genre nouveau.
Ce sera un grand moment, Akio.
En général, Josef n’était pas aussi affirmatif au sujet de son futur proche et même lointain. Mais là, sous les ramures des érables, dans ce sanctuaire où reposaient ses dindes, voilà soudain que son visage illuminait l’espace.
Josef rayonnait, telle l’apparition d’un Être… impalpable…
Était-ce Jérémie… qu’il n’avait jamais vu…
Un moment difficile à préciser…
Qui fut court comme tous les moments éphémères dont on se demande après coup s’ils existèrent réellement…
Comment rationaliser après ces flashs lumineux ? Que restait-il ? Le subjectif dit qu’il est l’heure d’aller au lit…
Ce qu’ils firent…
« Ce matin, Rosalie vient de subir une nouvelle transformation. Les entrailles sont toujours reléguées sur la table. Plusieurs fois par jour, elles se mettent en mouvement sous l’impulsion du grand prêtre de la clé à molette. Autour de la bête, les vestiges entassés reculent progressivement, prennent de la hauteur et laissent de l’espace. Le chantier est à présent au fond d’un cratère d’hétéroclites scories. Le palan placé dans les cimaises va déplacer la carrosserie. L’élévation tel un cantique va être sublime, car elle va découvrir la structure du cheval mécanique…
Gottfried accumule les journées de travail sans un instant de repos. Le chantre de la clé à pipe revisite la carcasse de la bête et l’être apparaît lentement. La robe rouge dévoile ses dessous, elle monte au ciel, elle se balance sur l’escarpolette des vibrantes chaînes tendues. La course s’arrête, laissant la place au passage du grand corps courbé du mystagogue. Il insère des madriers aux quatre angles de la grande voile qui se balance pour sécuriser ses reptations sous le grand pavois. On découvre une masse osseuse noire couverte de poussière collée dans de vieilles graisses. Les quatre moyeux du châssis reposent sur des blocs de béton qui laissent à jour les axes sur lesquels il fixera les moyeux des roues.
Gottfried prend une pelle et jette de la sciure sous le monstre métallique afin que le tapis absorbe les flaques de liquide décapant…
La journée promet d’être mécaniquement lumineuse. »
Josef génère de nouveaux mystères…
Cette fois-ci, il avait poussé un cran plus haut l’art de l’énigme, car le rébus devenait obscur ; mais nul ne dit mot.
… Josef… il a toujours fait ça. Il apparaît, il disparaît ! médita Yépa. Josef ne serait-il qu’une illusion optique ? La flamme des interrogations clignote… Pourquoi pas ?
Illusion ou pas, la flamme ne donna aucun signe de vie pendant trois jours…
« Cela lui aura suffi pour renaître… »
Car le troisième jour, il se manifesta, bâton à la main, tel le berger. Il arriva là-haut, à pied, gaillard, joyeux, fier de son miracle…
Dans l’Hacienda, il n’y avait que deux mouvements : Gottfried en bleu de chauffe du chirurgien obstiné qui allait rendre vie à la vieille Rosalie et Josef qui se déplaçait dans l’espace et le temps. Ailleurs s’écoulaient les grains fins du temps au sablier anodin quotidien…
Josef ne s’approcha même pas du chantier. Il le contourna et alla droit vers le dolmen
sculpté où Akio avait posé son cul sur la pierre brute…
Sans façon, il s’assit face à Akio sur le sol mouillé…
Les érables avaient revêtu une parure chamarrée, une palette qui offrait des nuances… du vert chlorophylle au jaune impérial en passant par le rouge vermillon. Les feuilles dentelées commençaient à choir…
Josef en saisit une…
… si tu la laisses sur le sol, elle mettra dix ans à disparaître, bouffée par la terre qui va la digérer. Dix ans, tu te rends compte, pour cette apparente fragilité ! Elle a vécu six mois à peine, mais on peut accélérer sa destruction. Il suffit de la jeter dans le feu pour l’anéantir ou bien en faire un tas et l’enfouir. Cette seconde solution nourrit la terre. Est-ce que nous aussi, lors de notre enfouissement, nourrirons-nous la terre… observe mes dindes…
Voilà que le prophète philosophait, il refaisait surface…
… non… nous, on pollue la surface autant que les coulisses… ! Voilà la vérité !
Aïe, aïe, aïe !… Josef était en train de ronger un os ; il arrache un nouveau lambeau de chair… à sa conscience…
Là, Akio pensa à son râteau, à son allée de pierres concassées, à ses huit cents mètres à remettre en ordre chaque jour… trois fois par jour… soit six heures de travail… Le reste du temps était consacré à l’entretien du râteau, à l’entretien du local à râteaux, à l’entretien des corbeilles recueillant les déjections, puis aux soins du porteur de râteau que l’eau allait purifier ainsi qu’à la conscience que la méditation du râteau aiderait à développer. Enfin, parce qu’il fallait un brin d’énergie, la bouche ingérerait le bol de riz quotidien et le brouet de légumes pour que le corps accomplisse la pacification spatiale… tous les jours… chaque jour… la voie du cosmos… tous les trois mois, il allait toquer à la porte, le vasistas s’ouvrait, on le reconnaissait… il tirait sa crampe chez les femmes, posait ses billes… et repartait reprendre son râteau.
« Ad vitam æternam ! répliqua Josef après avoir entendu cette analyse d’Akio. Sans doute, j’ai vécu cette vision de l’action ! Mais j’ai vu aussi… oracle de Jérémie :
Oh ! comme je voudrais te distinguer parmi les fils,
Te donner un pays de cocagne, un patrimoine qui soit,
Parmi les nations, d’une beauté féerique !
… ah ! dit Akio qui n’ajouta rien de plus.
… tu as vu ce que nous en avons fait du pays de cocagne et de sa beauté féerique… Toi, colonisé dans ton propre pays, tu es cantonné à te satisfaire d’un râteau pour obtenir l’Illumination, car tu n’as pas les moyens de faire autrement. Esclave sur ta propre terre, tu cherches des élans métaphysiques…
… nos élans ont deux mille ans de savoir…
… face à McDo… ils ne pèsent pas lourds !
… il nous a fallu tout ce temps pour nous comprendre !
… Jérémie sait aussi.
… un homme seul aurait-il la prétention de savoir ce que des milliers de générations ont compilé sur le même sujet ?
… pourquoi pas ?
… alors il doit agir !
… c’est ma voie !
Or, cette voie passait par la résurrection de Rosalie qui semblait bien souffrante dans les mains du Démiurge germain de la mécanique…
Un léger souffle favorisa la chute de quelques feuilles qui voletèrent sur les deux assis perdus dans leur extase. L’un avait le cul meurtri par la pierre, l’autre était baigné par la pluie de la nuit…
Les ombres se levèrent et, lentement, après avoir remis le contenu de leurs brailles en place, elles entrèrent dans l’Hacienda, car il fallait bien, après ces réflexions hautement lumineuses, régénérer l’estomac…
Tout en suivant Josef, Akio restait encore perdu dans ses pensées. Josef semblait se déplacer sur un autre rythme. Il le distancia puis il disparut…
Le chantier avait surgi lorsque le soleil ayant décliné définitivement laissa la place au phare sous lequel officiait Gottfried…
Akio en profita pour consigner ce propos bien métaphysique :
« Le fanal sur la table opératoire attirait un bourdonnement incessant de papillons de nuit. Gottfried était indifférent à ces vols de vibrions qui s’épuisaient à vouloir copuler avec la source lumineuse. L’insecte papillonnait, ravi, fébrile, séduit par la lumière sur laquelle, après quelques vols giratoires, il venait se fracasser, dans un choc charnel brutal, pour éclater sur le fil incandescent, pulvérisé par la passion, en répandant une odeur âcre de corne grillée. Le sol couvert de sciure absorbait les vestiges de ces vols sans retour…
Pendant que Gottfried tentait le sauvetage de l’antique mécanique, d’éphémères créatures séduites par cette renaissance en perdaient leur vie… »
Que le papillon eût préféré la clé à molette au fatal fanal et son destin en eût été bouleversé…
… ça c’est fort ! c’est une belle métaphore ! apprécia Akio.
Et c’est ainsi que murmurent les tortues blondes
Gentilés
Si le voulez bien
Lisez suite jour prochain
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… vous trouverez les opus édités…
L’Ange Boufaréu