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Le bousier et le prègodiéu…
Les choses se passèrent telles que je vais les conter.
Ce fut un après-midi, nous traversions les taillis, je conduisais ma petite troupe d’escoulans : pour une leçon d’entomologie. Il y avait Cinna qui trottait à côté d’Athalie, suivaient quatre garçons bien hardis et enfin Louis à la traine, depuis le départ, il se plaignait de son arapède… ce qui nous fit bien rire, car il voulait dire son herpès… si bien que Jules avait soufflé à voix basse : « fais caga amé toun arapedo ! »
Nous traversions le maquis du Plan de Dieu du côté d’Arausio, quand soudain les chênes disparurent net comme tranchés au couteau par un chemin sablonneux. Face à nous s’ouvrait un large espace dégagé de garrigues, une terre en cours de labour, où un animal mythologique puissant tirait une charrue qu’un homme guidait.
Nous restâmes pétrifiés par la beauté de ce tableau bucolique, même Louis cessa un instant de « lagremeja » (larmoyer selon lou Pichot Tresor Provençal NDLC)
Le soc déterrait les souches que l’homme saisissait au passage et envoyait sur des empilements de racines encore chargées de terre.
Nous restâmes longtemps émerveillés devant cette puissance… la bête s’immobilisa devant nous et nous pûmes admirer sa musculature fumante qui nous observait sans ostentation. A ma question, le laboureur répondit qu’il dégageait un hectare pour planter une nouvelle vigne… sachant qu’elle ne « donnerait » des fruits : le Syrah que dans trois à cinq ans et plus tard son célèbre vin rubis.
Pendant cette césure, Louis nous « escagassait » à grattouiller son arapède… qui faisait fuir les filles. Ce n’est qu’après l’éloignement de la bête et l’homme tout droit sortis de Virgile, que nous découvrîmes une autre merveille.
Le cheval en station pour être harnaché avait laissé sur le sable un volumineux dépôt de crottin, dans lequel, une population avait élu temporairement domicile pour faire ses emplettes. Une douzaine de « bousiers » se chamaillaient pour faire leurs courses…
La jeune garde me posa alors mille questions au sujet de ces bousiers…
Sollicité… je pris le temps de dévoiler la vie de cet insecte en traitant d’abord Louis pour qu’il arrête de gratta soun arapedo… je sortis une boîte de vaseline de ma biasse et j’en tartinais les lèvres du garçon afin qu’il se taise et écoute la vie de ce bousier que l’on nomme souvent : « bousier vidangeur »
« Un bouffeur de merde ! » proposa Ange… il était Corse.
Effectivement c’est un « coléoptère coprophage » mais dis-je :
« Il est utile de situer son cycle métamorphique dans l’ensemble entomologique. »
Il développe une mutation en deux étapes, le bousier passe sa vie à chercher l’excrément frais, il bâtit une bouse qu’il enterre, la femelle pond un œuf dans la partie aménagée. Pendant six mois la larve se développe dans son milieu nourricier, puis quand elle a épuisé ses provisions, elle se métamorphose en scarabée à carapace chitineuse solide qui vivra encore six mois parfois une année…
Dans la noosphère entomologique chaque insecte à ses mœurs.
Par exemple l’araignée Veuve noire à dos rouge lorsque le mâle livre son écot pour la fertiliser, celle-ci s’attaque à son amant dans une étreinte qui le laissera occis, en la fécondant il deviendra son garde-manger. La carnassière n’aura pas à se décarcasser pour chercher sa nourriture, il devient son stock de provende, une fois l’acte accompli. Le criquet brun fait aussi parti de ces cannibales, la dame est plus imposante que le mâle, au moment du coït elle commence par boulotter le bide du favori afin que sa tête ne perde pas le nord et poursuive l’ordre de son accouplement fatal.
Ainsi certaines femelles d’insectes ont un instinct cannibale, mais uniquement après l’acte sexuel… ce point est important : d’abord la reproduction… après basta pour le couillon qui devient le garde-manger !
Alors voyons ce bousier…Il est particulier…
Il se nomme : « Ioan-lucus procismus sultanensis proclamé » donc de la race Ioan-Luc… qui se proclame prochain sultan… mutation récente et pourtant présente…
Il a une vie hors du commun, au cours de son existence, il a vécu plusieurs métamorphoses : nativement surgi en terres « chérifiennes alaouites » de l’autre côté de la Mare-Nostrum, il muta vers la vague « cocolâtre trotzkynensis » puis la famille « ermitterransis respublica obtus » pour parvenir à l’actuelle : l’exubérante « insoumensis agitatis ».
On pense généralement que cette station sera la dernière afin que nos savants puissent rédiger un article circonstancié dans l’Encyclopédia Gallica, sur la vie, la reproduction, les amours, les saillies de ce bousier… sa métamorphose advenue…
Or il n’a pas tout dit… mais moi… je vais vous dévoiler son futur…
Certes, un voile floute sa mutation ultime… μυστιπό : mystiko… secret en somme : (c’est du grec… le bousier c’est déjà compliqué… assaisonné du grec… vé ! pense au pauvre Louis qui capi res NDLC.)
Poursuivons…
Voyez comme ce bousier est d’aspect massif avec sa carapace chitineuse. Il impressionne surtout par son énergie débordante, un activisme quasi belliqueux lorsqu’il dispute sa bouse aux autres insectes qui ne possèdent pas cette volonté hégémonique… or, cet aspect masque une faiblesse… et pour con-penser il s’est allié… à…
Voyez autour de lui… ces insectes filiformes drapés dans de voiles vert ou brun… ce sont des « prègodiéu » que la peuple nomme « mante religieuse » nous en Provence on les appelle les « prie-dieu : prègodiéu » car ils réclament toujours la prière.
Cette alliance est une expression antithétique un : « occis-maure » : le « prègodiéu » est quasi invertébré, sveltes, délicats de chair, à la tête mobile, au vol rapide et sûr, alors que le bousier est lourd tanca au sol avec une carapace telle une armure de guerrier…
Le « prègodiéu » a une curieuse attitude de toujours se positionner face à un insecte en mouvement, en projetant devant eux ses bras chargés de griffes répulsives, souvent même ils croquent la bestiole rétive, qui ne s’y attend pas… alors que le « Ioan-lucus procismus sultanensis proclamé » passe son temps à remuer la merde…
Donc « Ioan-lucus procismus sultanensis proclamé » et les « prègodiéu » ont conclu une alliance.
C’est le moment dans mon récit que choisit Athalie sortant d’un songe sidéral à cause de Louis qui « s’ancagnait dans ses plaintes grafignouso » elle énonça ce vers célèbre qu’elle ruminait depuis le départ :
« En ce beau temps béni, Louis casse glaoui ! »
Louis en resta coi… car la fille avait des arguments… différents des miens…
Tout le monde posa la question :
« Pourquoi cette alliance ? » sauf Louis… il fougnait.
Simple dis-je !
Avec les changements climatiques, les populations émigrent, les peuples transhument, certains mutent plus vite que d’autres. Les « prègodiéu » décidèrent :
« Que tout individu entrant dans le territoire Gallus-Terra devra se conformer à nos us et coutumes considérant que ce territoire nous appartient ! »
Au début, ils agitèrent un fanion vert… mais la réaction était trop lente, alors ils comprirent qu’il leur fallait une alliance avec un « autochtone en mutation » blindé au sol… d’où l’alliance avec « Ioan-lucus procismus sultanensis proclamé ».
Tu veux dire que :
« Pendant que les prègodiéu gardent l’espace en survol, le procismus sultanensis fait diversion en remuant la merde ? » coupa Cinna qui avait enfin trouvé un siège sur une belle pierre que le Rhône avait transportée jusqu’à nous… d’où naquit cette lumineuse réflexion…
Oui, dis-je :
« Effectivement, il fait le ménage d’où son nom de : « coléoptère vidangeur »
Alors les « prègodiéu » prirent du souci, ils assistèrent avec joie aux énergies démultipliées des « bousiers vidangeurs collatéraux » qui répandaient la bonne parole par des lames de fonds dans quelques lieux… ciblés…
On dit aussi que le « coléoptère vidangeur » aurait un allié lointain il siège à « L’Ail-Y-Szé » ce qui pourrait advenir lorsque la garrigue sera ubérisée dur ! Plus de crottin plus de Virgile de vigne de Syrah de vin rubis… tout arrivera avec des tonnes de CO2 au cul…
Or, « Ioan-lucus procismus sultanensis proclamé » et les « prègodiéu » avaient anticipé les l’espace pour organiser « l’intégrance ».
On vit alors des noces entre mantes et bousiers qu’une « hé mule » d’un couillon nomma « créolisation » le terme avait été ripoliné par « Ioan-lucus » qui on le voit avait beaucoup d’imagination.
L’alliance fut curieuse, nul n’en comprit la raison…
Sauf le jour… où… un soir…
Une femelle « prègodiéu » en rut dur… enlaça un « Ioan-lucus procismus sultanensis proclamé » il devint tout chose… la dame avait des arguments délicats de fines pattes des yeux de porcelaine un souffle romantique souffla sur le galant, elle lui dévoilait l’espace galactique sublime… il désira vivement le coït…
Alors en pleine pâmoison… voilà notre dame « prègodiéu » qui s’attable à dévorer l’enveloppe chitineuse comme une simple meringue… le « Ioan-lucus procismus sultanensis proclamé » y perd ses accessoires laissant le seul utile à l’acte de chair…
Depuis cette saillie le « prègodiéu » a con-firmé son alliance avec le « bousier coprophage » C’est lui qui vidange les sols, lui qui remue la merde, lui qui confectionne les bouses, lui qui apporte sa graine, lui qui piaffe d’impatience, lui qui garde le terrier, lui qui copule enfin et lui qui devient le dernier repas de l’amante…
« Maure alité! »… Moralité!
Il est à peu près certain que « Ioan-lucus procismus sultanensis proclamé » ne verra jamais la récompense que la gent « prègodiéu » a fait miroiter lors de son pacte d’alliance. Il pensera : mais un peu tard qu’on ne l’y reprendra plus… alors il émettra quelques sanglots longs des violons… ou d’autres con-plaintes… mais ce sera trop tard…
Devant la métamorphose advenue, je citais la célèbre synthèse de l’évolutionniste londonien Sir Charles qui m’avait écrit, il assurait que :
« Les espèces qui survivent ne sont pas les espèces les plus fortes, ni les plus intelligentes, mais celles qui s’adaptent le mieux aux changements. »
« Hu ! cria le laboureur ! »
Puis, un silence fit place devant cette fin quasi eschatologique annoncée… qui comme chacun sait nous interroge sur la fin de la nuit des temps…
« … c’est pas demain la veille ! prétendit Louis, moi je suis cent pour cent branché avec le « Ioan-lucus procismus sultanensis proclamé ! je vais tout lui révéler! »
« … bon, alors tu y vas avec ton arapède ! » conseilla Andolphe qui n’avait rien dit jusqu’à présent.
Comme quoi, les leçons d’entomologie ne donnent pas toujours les mêmes morales :
« L’un s’entête quand l’autre sans tête ! »
… aurait dit « Julius Incultus Sublimalus » philosophe latin de l’époque archaïque située entre L’H et L’Q des bords du Xoss…
Et c’est ainsi que murmurent les tortues blondes!
L’Ange Boufarèu
Adessias
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