Koba ou la sombre rémanence N°22 Ce qui se passait l’hiver dans les Hutong en 1930

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L’empereur Qianlong dynastie Qing : 25 septembre 1711 – 7 février 1799…  Il régna 61 ans… du 18 octobre 1735 au 8 février 1796.

Lecteur… nous sommes en 1930… la dynastie Qing s’arrête le 1er janvier 1912 avec la proclamation à Nankin de la république chinoise, 12 février Pu Yi dernier empereur abdique, 1er mars transfert des pouvoirs, la ligue jurée devient le Guomintang l Ensuite c’est le chaos…
Lecteur entend le soupir du peuple et des femmes chinoises qui furent si souvent sacrifiées…  Mademoiselle Zhang raconte… ce qu’elle a vécu dans les hutong… 胡同 (venelles des quartiers mandchous) 

 … la mort… c’est le souvenir le plus ancien qui s’est imprimé dans ma mémoire… la réalité de la mort… la mort de faim, la mort de froid, la mort d’effroi.
J’avais quatre ans, cinq ans peut-être. Je n’avais aucune idée du lieu dans lequel je vivais. Je ne comprenais qu’une chose, l’étreinte du froid qui provoque l’engourdissement. Ce fut ma première prise de conscience, le souvenir de ce moment ne m’a jamais quitté.
La mort n’était pas l’invitée du ciel comme on la nomme ici, mais une hécatombe de cadavres. Le mort c’était le parent, le voisin, l’inconnu, c’étaient ces gisants qui ne cessaient de s’entasser dans la rue blanche de gel.
Non, ce n’était pas la guerre, la maladie ou les brigands qui étaient venus assassiner le peuple de notre village… le froid seul les fracassait…
Je me souviens de cette faiblesse qui s’abattit sur moi, je ne pouvais plus marcher, je me déplaçais comme une ombre.

Je perçus que ma vie allait prendre fin… je pris conscience de la caresse du soleil, des senteurs des fleurs, du regard de mes parents… ces joies allaient cesser.

Le malheur nous engloutissait lentement… chaque jour d’autres corps s’ajoutaient. J’ai le souvenir de cet homme qui marchait avec peine, soudain il s’effondra lentement devant notre maison sur le sol… il resta allongé dans la hutong… il était mort, personne ne bougea.
J’assistais pétrifiée à l’inéluctable. Nul ne se lamentait tant il était faible. Dans les espaces, les habitants valides se déplaçaient pour rassembler les corps. Ils entassaient à l’écart les cadavres raides comme des branches d’arbres, enveloppés dans leurs derniers vêtements. Le ciel était gris comme le plomb, il faisait un froid polaire, le sol était couvert de neige et de glace.

… tu sais Didi, à Shenyang ces mois sont effroyables pour les pauvres. Les cours d’eau sont gelés dès la fin octobre jusqu’au début mars, les paysans ne peuvent plus rien cultiver. Si tu n’as pas fait de réserves, tu ne peux franchir cette période. À cela s’ajoutent des maladies qui surviennent à cause des carences alimentaires ou aux contraintes du travail des champs. Un membre cassé, une infirmité, une maladie et tu ne peux même plus te suffire à toi-même… c’est la fin.
Dans la tradition, la famille accompagne le mourant jusqu’à son dernier souffle. Puis, les parents élisent un espace en bordure d’un champ qui offre le meilleur fēng shuǐ  风水. Ils creusent une fosse. Les hommes se rassemblent… portent le défunt à sa dernière demeure. On brûle du papier-monnaie votif qui dégage une fumée âcre, on sonne la musique, puis le cortège rentre à la maison pour manger en famille, ce n’est pas trop triste.
Mais comment faire pour percer la terre ? Les hommes encore debout étaient si faibles, la terre était dure comme de la pierre, personne n’avait la force de creuser une tombe, organiser une cérémonie, conduire les défunts… il y en avait tellement. Allongés sur le sol, il y avait des nouveau-nés, des enfants, des femmes, des vieillards, des jeunes hommes, tous morts de faim et de froid sans distinction d’âges.
Le gel, sur le visage, scellait l’expression… certains avaient conservé une expression de stupeur sur le visage, d’autres avaient la bouche ouverte, un bras tendu… c’était horrible. Le gel déposait une légère couche de velours de glace sur la peau qui brillait au soleil.
La ruelle était devenue une morgue, les vivants se traînaient devant le tas de cadavres  en pensant à leur fin toute proche. J’avais peur, je ne bougeais plus, l’effroi me pétrifiait autant que le gel, ma mère me suppliait de rentrer dans la maison, mais j’étais fascinée par cette apocalypse. Depuis longtemps on ne sentait plus les fragrances de viandes grillées ou de soupes de gruaux… il n’y avait rien à manger.
Plus tard, j’ai appris que les habitants rassemblèrent tous les corps dans une cabane proche… ils restèrent là, congelés jusqu’à ce que le sol devienne tendre pour creuser une tombe…
Puis je fus très malade, je ne me souviens plus de l’époque qui a suivi, il y a une sorte de trou noir dans ma mémoire.

Sosthène avait lu le passage… il voulait savoir ce qu’était la hutong…
Weizhi expliqua :  » Le mot « hutong » vient du mongol qui désigne « le puit ». Il y a 700 ans les maisons se sont construites en venelles autour des puits disponibles. Avec l’évolution des constructions il fallut creuser de nouveaux puits. C’est ainsi que par extension hutong désigne un espace regroupant plusieurs puits reliés par des venelles très étroites »

« Où habites-tu? » demanda Luigi

           A Shenyang… la rue Shi San Wei Lu 十三 韦 路 voilà l’entrée de la cour… en 2001

« Il reste des hutongs à Shenyang? »
« J’ai vu les dernières… tout a été rasé… »
Atharexa tremblait devant le froid… qu’elle avait vécu au cours de la lecture…
« Dis moi Weizhi, il fait toujours aussi froid chez toi? »
« D’octobre à mars il fait très froid… jadis, beaucoup de gens ne passaient pas l’hiver… »
Staline ne disait rien… il avait écouté… il lâcha son impression « Tu crois qu’en Sibérie il y a des bananiers? »
… Luigi restait pensif…
« C’est vrai dit-il… toute l’histoire oublie l’humain… les femmes surtout qui ne se plaignent pas… et pourtant on prétend agir pour ce peuple… quelle tartuferie! »
Staline haussait les épaules…

« Sosso, tu veux le lire? demanda Sosthène
« Pourquoi pas! »

Gentilés
Si le voulez bien
Lisez suite semaine prochain

Et c’est ainsi que murmurent les tortues blondes
Article rédigé par une âme charitable selon les préceptes de L’Ange Boufaréu

 

 

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