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Ce matin… Sosthène, Luigi, Raphaël, Sosso, Matriona, Weizhi… attendent Atharexa… la voilà… la mine défaite… elle s’assied… se tait… sort le manuscrit de Mademoiselle Zhang…
« J’ai lu… tu m’expliqueras Sosso… toi… le totalitaire…
» Oh l’Espagnole… calme… le bouquin de Weizhi se passe en Chine… explique-toi!
« La Chine est communiste… et toi tu es curé ou communiste… je vais lire… tu me diras après… »
Mademoiselle Zhang a été envoyée dans une Commune Populaire… elle a eu de gros problèmes de santé…
« Le lendemain au rapport du matin… le chef Lang annonce la nouvelle… je m’entends énoncer…
« … qu’en mettant en pratique les dits de Mao… j’ai pu surmonter cette épreuve… je le dis à vous tous… ! »
… naturellement je ne pouvais remercier que le guide… je ne pouvais que dire « je vous remercie tous… »… je le dis parce qu’il fallait le dire… mais c’était faux…
Devant moi Kong Bao approuvait pleinement… souriant…
A partir de ce moment… le chef Lang, m’a permis, bien qu’appartenant à la brigade des cultivatrices, de me remettre sur pied à mon rythme… je passais ma journée à me promener dans les carrés de légumes et tirer des conclusions de la façon de travailler… sans outils modernes, sans semences sélectionnées, sans engrais, sans savoir… pour produire la maigre ressource qui nous maintenait en vie…
A petits pas je parcours les abords de mon dortoir… les premiers jours, je ne m’avance pas très loin… je m’assois sous l’éolienne qui tire inlassablement l’eau des entrailles de la terre…
Là, on m’oublie… je ne suis qu’une ombre… je me reconstruis… j’observe que toute la commune populaire est couverte de poussière jaune… les toits, le sol, les êtres semblent être tous fabriqués de la même pâte minérale… sous la dent les poussières crissent dès qu’on laisse passer le souffle… les yeux sont irrités…
Je me concentre sur mes récoltes… progressivement j’élargis mon cercle de pèlerinage… quelques jours plus tard, un matin je décide de longer le canal en construction…
Kong Bao me donne un sac, une canne… je serre une part de riz bouilli dans un tissu propre que je range dans ma musette… il me donne une gourde pleine d’eau… il me demande de lui décrire mon projet de cheminement…
… le long du canal… aller-retour…
Je me sens portée par un élan sans borne d’ivresse… d’être libre, d’être en vie, d’être aidé par mon cher Kong Bao… j’avance dans l’inconnu… il faut environ un kilomètre pour atteindre la limite du chantier…
La terre jaune a été saignée… le canal rectiligne tranche sur le sol… il n’est pas large un mètre tout au plus… le fond est pavé de plaques de ciment… les bords sont élevés avec des briques… à l’extérieur de chaque rives on a butté de la terre et du sable pour soutenir la construction contre le courant qui bientôt va le remplir…
J’arrive dans la partie en chantier où travaillent puisatiers maçons terrassiers… je suis accueillie… mais point de manifestations particulières… le guide nous surveille… je poursuis mon chemin…
Tous les deux cents mètres… un puits est maçonné, une sorte de petit réservoir de deux mètre sur deux… assez profond pour couper la force du courant… on peut l’obstruer pour réguler le flux… à partir de ce puits les arroseurs viendront puiser l’eau nourricière…
A partir de ce premier point… le canal est actif, l’eau s’infiltre sur les remblais… là, pousse sauvagement une végétation… les graines apportées par le vent se développent… là arrivent des insectes qui pollinisent les fleurs… là croissent des lichens des graminées des ronces… ils vont enrichir ma collection… je sais que la glaise se dépose dans le fond sur les aspérités… je parviens à faire une belle collecte je m’allonge sur la terre… pour la recueillir…
… le canal confirme mes carrés de légumes… il faut créer des microcosmes… de vie… et non des espaces industriels… s’adapter aux conditions…
… tu ne peux pas savoir Didi, comme j’étais heureuse…
Puis j’avance… je m’écarte du canal qui part loin pour rejoindre un fleuve dont je ne connais pas le nom… j’entre dans des champs qui semblent abandonnés… les maigres récoltes sont sur pied… tout est sinistre… gris couché par le vent… je marche longtemps comme une somnambule… je n’entends rien, je suis hors du temps… j’arrive devant une chaumière dont le toit est effondré… se dressent encore des habitats aux murs de terre et aux toits fracassés…
Je erre au milieu de ces ruines… un tremblement de terre aurait bousculé ces frêles masures… le feu… une guerre de clans…
Alors de derrière un mur… sort une femme…
Elle tient un enfant par la main… il est maigre… triste… presque nu…
Elle me regarde affolée…
Je la rassure…
Je vais vers elle… elle veut s’éloigner…
Je la suis…
Nous pénétrons dans un espace couvert qui est le reste de sa maison effondrée… là, un vieil homme est assis… à côté de lui un autre enfant plus âgé… me regarde…
Ils sont tous muets, frappés de stupeur ils me considèrent tel un extraterrestre…
Qui suis-je ?
Je m’assieds devant eux…
… alors la femme raconte…
… des cadres sont venus… ils ont prétendus que nous cachions les impôts… ils ont emporté toutes nos récoltes, y compris les semences… il y a cinq ans… ensuite le commune populaire est arrivée… les gens sont morts de faim… personne ne viendra plus relever les toits des maisons… ni récolter ce qui reste… seuls les survivants vont arracher des bribes pour manger… j’ai cru que tu venais du village voisin… pour nous prendre nos enfants…
… là… Didi… j’ai appris l’horreur… j’écoute atterrée… les deux villages… avaient échangés les enfants… pour les manger… ainsi son village mangeait les enfants de l’autre… c’était moins cruel…
… la femme ne pleurait même pas… elle répéta « j’ai cru que tu venais les prendre… j’ai vu que tu n’en avais pas… alors… on serait mort de faim… ! »
Tu ne peux imaginer la vague qui me submergea… sans doute Didi la première fois de ma vie où je fus en colère… j’avais tenté de m’adapter… mais que faire lorsque tu arrives à ces extrémités… alors j’ai laissé déborder mon cœur… j’ai haïs cette foi communiste qui détruisait toute nature… j’ai haïs Mao… j’ai hurlé ma colère…
J’ouvris mon sac, j’en retirais la boule de riz cuit… j’en avais déjà mangé une partie… je donnais le reste à la femme…
Elle me bénie…
… va ! Donne à tes enfants…
Je me lève…
Je les salue…
Je les quitte…
Ils me regardent partir avec cette muette question : qui étais-je ?
Je divague dans les champs… je me perds… je ne retrouve plus le canal… le soir tombe vite… j’avance en pensant à ce que je viens de vivre… je maudis… je hurle de rage… je suis seule… j’insulte le Grand Mao pour sa bêtise… je me retrouve sous le ciel étoilé… seule, perdue, j’ai froid… alors je m’allonge sur le sol dans les buissons pour ne pas trop subir le vent… et je m’endors…
… je crois que je rêve…
… c’est Kong Bao, il est devant moi la tête dans le ciel… il me regarde… il dit seulement :
… les chouettes dorment la nuit maintenant ? »
La camarilla… se tait… l’extrait du livre présenté sans aucune précaution oratoire… vient d’agresser les participants… c’est comme si chacun venait de recevoir un coup de poing alors qu’il s’attend à un sourire… Matriona… lentement donne son explication…
» Tu sais, à l’époque, tout le monde était conditionné à entendre ça, et d’autres choses… on savait mais on ne disait rien… on ne pouvait rien dire… maintenant ça fait mal! »
Alors Sosso… tu dis plus rien?
« La Chine… c’est pas chez moi… ! »
Weizhi reprend le manuscrit…
« Tu peux me le laisser? demande Sosthène?
Gentilés
Si le voulez bien
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Et c’est ainsi que murmurent les tortues blondes
Article rédigé par Weizhi selon les préceptes de L’Ange Boufaréu